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À Philadephie: une semaine dans le camps d’entraînement de Wilkens Mathieu et Christopher Guerrero

Morgan Campbell - CBC

Photo: Giuseppe Moffa – Christopher Guerrero, Euri Cedeno et Wilkens Mathieu

Lorsque l’occasion s’est présentée à Wilkens Mathieu de passer une semaine dans le nord-est de Philadelphie, le jeune espoir des super-moyens a immédiatement accepté.

Il pensait y affûter ses compétences et acquérir de nouvelles techniques avant son prochain combat, prévu le 27 juin à Québec, contre Adagio McDonald.

Mais à mi-chemin de sa première séance de sparring contre Edwine Humaine Junior, Mathieu s’est rendu compte qu’il se trouvait aussi à un point tournant de sa carrière.

Au Next Champ, un discret gymnase de Philadelphie où l’ex-champion des poids mi-moyen Jaron “Boots” Ennis est la vedette et le poids léger Andy Cruz l’étoile montante, les rounds de sparring durent quatre minutes avec seulement 30 secondes de repos. Après quelques rounds, Mathieu a senti son énergie faiblir, tandis qu’Humaine semblait de plus en plus fort.

Photo: Giuseppe Moffa – Andy Cruz et Christopher Guerrero

Mathieu a compris que les “guerres de gym” de Philadelphie n’étaient pas qu’un mythe du monde de la boxe: elles étaient bien réelles. Et il se retrouvait en plein dedans, face à un choix: céder face à la difficulté, ou s’adapter rapidement.

Mathieu a choisi de se battre, utilisant son jab pour créer de l’espace face à un Humaine agressif, tout en apprenant une leçon précieuse: gérer son énergie intelligemment, que ce soit à l’entraînement ou lors d’un combat de championnat du monde.

Photo: Vincent Ethier – Wilkens Mathieu

«Quand tu rentres là-dedans, ils veulent vraiment te mettre KO. C’est tuer ou être tué», dit Mathieu, invaincu avec un palmarès de 13-0, dont 9 KOs.

«Ça forge ton caractère. C’est bien parce que tu n’es plus dans ta zone de confort. Tu dois apprendre à être à l’aise dans l’inconfort.»

Devant ses partisans, le 27 juin, Mathieu compte appliquer les leçons apprises à Philadelphie contre McDonald, un gaucher agressif qui pourrait représenter le test le plus difficile de sa carrière. McDonald affiche un palmarès de 8-1, avec six KO, sa seule défaite étant une décision technique lors d’un combat arrêté deux rounds avant la fin.

Photo: Vincent Ethier – Antonin Décarie, Mike Moffa, Patrick Mathieu, Wilkens Mathieu, Camille Estephan et Giuseppe Moffa en août dernier

Mathieu affirme que son entraînement quotidien à Montréal, sous la supervision de son nouvel entraîneur principal Giuseppe Moffa, le prépare à toute éventualité. Mais cette semaine à Philadelphie lui a permis, selon lui, de peaufiner son artillerie et son mental de guerrier.

Son coéquipier Christopher Guerrero, champion WBC Continental des Amériques chez les poids mi-moyens, connaissait déjà l’impact d’un passage éclair au Next Champ. Par le passé, Guerrero y avait affronté Ennis en sparring, avant de revenir à la maison pour signer un KO spectaculaire contre Kenny Larson. Le mois dernier, il y est retourné pour faire 18 rounds avec Cruz.

Photo: Vincent Ethier – Giuseppe Moffa et Christopher Guerrero

Les séances étaient purement professionnelles – Cruz, Guerrero, Humaine et Mathieu se préparaient tous pour des combats – mais elles étaient aussi profondément personnelles.

Moffa affirme que cette combinaison était exactement ce qu’il fallait à Mathieu:

«Il adore ça. Ils se provoquent, ils se battent. C’est très compétitif. Il a adoré cet aspect du sparring», dit Moffa, qui a récemment succédé à son père Mike en tant qu’entraîneur principal de Wilkens.

«C’est parmi les meilleures séances qu’il ait jamais eues.»

Photo: Vincent Ethier – Wilkens Mathieu

Mais Moffa reconnaît aussi que Mathieu et Guerrero se trouvent dans une position délicate.

Dans les bonnes conditions, un sparring de haut niveau est un rite de passage pour les jeunes pros. Faire des rounds avec un champion du monde, c’est l’équivalent, en boxe, d’un apprentissage auprès d’un maître artisan. On peut penser à Larry Holmes dans le camp de Muhammad Ali, ou à un jeune Oscar De La Hoya partageant le ring avec Julio Cesar Chavez.

Mais Moffa demeure toutefois conscient d’une chose: trop de temps passé comme simple partenaire de sparring dans le camp d’une star comporte ses risques. Un jeune boxeur talentueux pourrait rester dans l’ombre du champion, sans jamais briller lui-même. Et sous la pression physique constante, il pourrait aussi ne jamais atteindre son plein potentiel.

Photo: Giuseppe Moffa – Jaron ‘Boots’ Ennis et Christopher ‘Machine Gun’ Guerrero en décembre 2023

Mathieu, lui, comprend la différence: le sparring est un outil d’entraînement, mais ça ne remplace pas un vrai combat.

Les grandes différences? Les combats réels se font sans casque.

Les gants y sont plus petits – 10 onces contre les 16 onces habituels au sparring – et l’audience est bien plus grande. Personne n’a vu les rounds contre Humaine, mais des milliers de spectateurs assisteront au combat contre McDonald au Centre Vidéotron, et des milliers d’autres le suivront en ligne.

«C’est facile de faire quelque chose quand personne ne te regarde. Il n’y a pas de stress, pas de pression», explique Mathieu. «Mais quand tu es en combat, tu as le monde entier qui te regarde. La pression est là. Ce n’est pas pareil. Et la pression, ça te fait performer différemment.»

À partir de maintenant, Mathieu sait que cette pression ne fera qu’augmenter, à mesure que le calibre de ses adversaires montera. S’il continue à progresser à ce rythme, il pense pouvoir devenir champion du monde d’ici trois ans.

Photo: Adagio ‘La Bête’ McDonald / IG

Mais avant ça, il devra réussir l’examen que représente McDonald, puissant cogneur originaire de Lille, dans le nord de la France. Deux semaines avant le combat, McDonald a publié sur Instagram une vidéo de sprint sur tapis roulant, suant à grosses gouttes, où il annonçait avoir battu un record personnel. Le message sous-jacent était clair: il compte tenter d’imposer un rythme élevé face à Mathieu.

Mais ce dernier dit qu’il accueille ce défi à bras ouverts.

Si McDonald essaie de le dominer par la force, Mathieu dit qu’il est prêt mentalement, notamment grâce à son passage à Philadelphie.

Et tactiquement? Il est confiant:

«Il va essayer de me mettre KO, mais c’est la pire chose qu’il puisse faire parce que je suis un très bon contre-attaquant», dit Mathieu. «Il va me laisser une ouverture, et il va se faire knock-out cold