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Canelo-Crawford sur Netflix: Les étoiles sont alignées, il ne leur reste plus qu’à briller

Morgan Campbell - CBC

La troisième grande soirée de boxe sera-t-elle la bonne pour Netflix?

Tout d’abord, Netflix nous a servi un combat principal entre une légende des poids lourds de près de 60 ans et le roi actuel des événements “spectacles” de la boxe.

Si vous avez été surpris que Mike Tyson et Jake Paul offrent huit rounds des plus ennuyeux, vous auriez dû regarder de plus près les protagonistes. Un combat entre un homme de 58 ans et un professionnel de bas niveau peut se terminer de plusieurs façons, mais aucune n’est vraiment satisfaisante pour les amateurs de “sweet science”.

Ensuite, cet été, Netflix a assuré la diffusion du troisième combat entre Katie Taylor et Amanda Serrano, en tête d’une carte 100 % féminine à New York.

En tant que combat, ce duel promettait beaucoup : leurs deux affrontements précédents avaient été rapides et dramatiques, Taylor l’ayant emporté à chaque fois. Mais en termes de spectacle, le troisième chapitre, une nouvelle victoire de Taylor aux points, a déçu. Cela arrive parfois. On peut créer un affrontement à enjeu élevé, mais on ne peut pas scénariser l’action.

Photo: Netflix 

Ce samedi, la boxe revient sur la plus grande plateforme de streaming au monde, avec un nouveau promoteur. Alors que Most Valuable Promotions de Jake Paul avait géré les deux premières diffusions Netflix, ce sont TKO et Sela qui organisent la carte de cette semaine.

Et, bien sûr, il y a de nouveaux protagonistes.

Saul “Canelo” Alvarez affronte Terence “Bud” Crawford, avec bien plus que le titre incontesté des super-moyens d’Alvarez en jeu. Si une présence régulière sur Netflix représente un succès pour l’industrie de la boxe dans son ensemble, signifiant que le sport est passé de niche à grand public, alors transformer les spectateurs occasionnels en fans fidèles nécessitera un combat principal à la hauteur du battage médiatique.

Pour l’instant, Netflix a deux défis devant lui, mais ce samedi, il va tenter son plus grand coup, espérant qu’Alvarez et Crawford livrent le premier combat principal inoubliable de la plateforme.

Pour trouver un parallèle, il suffit de regarder l’Ultimate Fighting Championship (UFC), qui partage une société mère avec la nouvelle société de promotion TKO, et dont le président, Dana White, a joué un rôle clé dans la promotion de la carte de combats de samedi.

Au printemps 2005, l’UFC est passé de l’obscurité à la lumière en quelques semaines, grâce à la télé-réalité The Ultimate Fighter, qui s’est conclue par une carte de combats diffusée sur Spike TV. Et le point d’orgue de cet événement, comme tout spectateur s’en souvient, fut l’affrontement explosif de trois rounds entre Forrest Griffin et Stephan Bonnar, un classique instantané qui a captivé les spectateurs et est rapidement devenu un élément clé du folklore et du marketing de l’organisation.

Photo: Los Angeles Times – Canelo Alvarez

Ce combat n’est pas le seul facteur ayant propulsé l’UFC d’un sport marginal à un géant de 11,3 milliards de dollars, mais si vous n’aviez jamais entendu parler des arts martiaux mixtes ou de l’UFC avant cette nuit-là, Griffin et Bonnar vous ont fait prêter attention. Si vous avez jeté un œil, vous vous êtes arrêté pour regarder ; et si vous avez regardé, vous en vouliez plus.

Mais les différences entre Canelo-Crawford et Griffin-Bonnar sont importantes.

Premièrement, la boxe n’est pas le MMA, ni comme sport ni comme industrie.

Le business des arts martiaux mixtes n’existait presque pas aux États-Unis en 2001, lorsque White s’est associé aux frères Fertitta pour acheter l’UFC et a tracé la voie vers la notoriété. Avant cela, la plupart des amateurs de sport considéraient l’UFC comme un “freak show” – si tant est qu’ils y pensaient. The Ultimate Fighter et le combat Griffin-Bonnar ont introduit le grand public à un sport entièrement nouveau.

La boxe professionnelle, en revanche, possède une histoire qui remonte à la fin du XIXᵉ siècle, et une liste de champions dont les exploits dépassent le sport lui-même : des pionniers comme George Dixon au Canada, des icônes des droits civiques comme Muhammad Ali aux États-Unis, des titans de la ‘pop culture’ comme Mike Tyson.

Aujourd’hui, la boxe ressemble davantage aux courses hippiques ou au baseball : un sport au glorieux passé ayant perdu des parts de marché au profit de la NFL, de la NBA et, ces dernières années, de l’UFC. Sa présence sur Netflix ne vise pas tant à faire découvrir la boxe aux fans qu’à les réenchanter avec ses athlètes de classe mondiale et son riche héritage.

Photo: Forbes – Dana White

C’est souvent un combat difficile, la boxe a cherché à se repositionner dans un paysage médiatique en mutation à maintes reprises, déjà.

Ces huit dernières années, nous avons vu HBO et Showtime abandonner complètement le sport, tandis qu’ESPN, dont le contrat avec Top Rank a expiré en juillet, reste sans partenaire boxe. Mais des plateformes comme DAZN, Amazon Prime et maintenant Netflix comblent ces vides. Mais le marché des combats de haut niveau n’a jamais disparu : il s’est juste fragmenté… et déplacé.

Toutefois, l’action à haute intensité trouve toujours un public, notamment grâce à la facilité de partage des moments forts sur les réseaux sociaux. Et des combats entiers sont parfaits pour être redécouverts, Netflix archivant ses événements en direct.

On sait que Christian Mbilli et Lester Martinez vont placer la barre haute avec un combat de quart de final explosif, mais Alvarez et Crawford pourront-ils atteindre ce standard?

C’est une question fascinante pour les fans ‘hardcore’ de boxe.

Alvarez est le champion en titre et le côté “A” de la promotion. Il a déjà rempli des stades NFL par le passé, et les organisateurs comptent sur lui pour le refaire samedi. Mais avec un seul KO lors de ses sept derniers combats, il est clair qu’il est entré dans la phase “victoire par décision des juges” de sa carrière. Cette stratégie donne des résultats, même si elle ne produit pas de spectacle, et fonctionne bien contre des challengers comme Edgar Berlanga et Jaime Munguia, que Alvarez sait pouvoir surclasser.

Photo: Mikey Williams – Christian Mbilli

L’appliquer contre Crawford, tacticien rusé au tempérament féroce, est un défi différent. Oui, il a montré quelques vulnérabilités lors de ses débuts en super-mi-moyens contre Israil Madrimov l’été dernier, donc on ne peut pas savoir comment monter de deux catégories supplémentaires l’affectera. Mais si les photos récentes de Crawford en pleine forme et sec sont un indice, il ressemble déjà à un «vrai» super-moyen.

Son défi est de combiner cette nouvelle force avec son avantage naturel de vitesse pour forcer Alvarez à combattre à son rythme et à sa distance. Si cela se produit, Alvarez aura peu d’options à part frapper Crawford si fort qu’il devra reconsidérer sa stratégie.

Avec tous les ingrédients réunis, les ‘grands noms’ et le ‘hype’, dès que le combat va commencer, nous serons déjà à mi-chemin d’un classique.

Et si le combat livre la marchandise, tout le monde sera gagnant.

Surtout Netflix.

Photo: The New York Times – Terence Crawford