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Carnet de Voyage – Chapitre 5 : Le soir du combat – Dans l’œil du cyclone

Samuel Décarie-Drolet - Punching Grace

Pour être honnête avec vous, ce n’était pas le résultat rêvé.

On espère toujours la victoire, on la convoite comme un mirage. Mais parfois, dans ce sport, ce qu’on gagne ne se mesure pas en points, mais en respect. Et ce soir-là, Christian a gagné beaucoup.

Martinez… Son nom n’évoquait peut-être rien au grand public, mais nous, nous savions exactement qui il était. Un diamant brut, tranchant, façonné par l’un des plus grands esprits de la boxe: Bo Mac, le stratège derrière Terence Crawford. Nous savions que ce combat serait le plus compliqué, le plus robuste de la carrière de Mbilli. Nous savions aussi que ce serait spectaculaire. Nous n’avions pas tort : une guerre à la Gatti-Ward, le genre de duel qui marque une carrière, qui nourrit les légendes.

Photo: UFC Canada – Christian Mbilli

Les coulisses

Nous avons quitté l’hôtel à 15 h 15. Destination: l’Allegiant Stadium. Une forteresse moderne, où tout est réglé au quart de tour. Une fois arrivés, l’organisation nous a pris en charge, avec une rigueur presque militaire. Les déplacements étaient limités, au point où même Camille Estephan n’a pas pu voir Christian avant le combat… ni même après.

Notre vestiaire était celui des Rebels de l’université du Nevada, une salle vaste et fonctionnelle et équipée . Plusieurs écrans diffusaient les combats, et sous la surveillance constante des officiels de la commission, chaque personne s’appliquait à ses tâches. Nous partagions l’espace avec quatre autres guerriers : Serhii Bohachuck, Reito Tsutsumi, Yvan Dychko et Mohammad Alakel. L’ambiance était détendue au début, ponctuée par les allées et venues des caméras et des journalistes. Mais à mesure que l’heure approchait, chacun entrait dans sa bulle. Le silence s’installait, lourd, presque sacré.

Pendant ce temps, le stade se remplissait lentement. Vide au départ, il s’est transformé en volcan. Les gradins se noircissaient de monde, vague après vague, jusqu’à ce que l’Allegiant devienne une fournaise. Et quand Christian a franchi le rideau, l’arène s’est embrasée. Près de 70 000 paires de yeux étaient rivées sur lui, s’avançant vers le ring. Un moment tant attendu où le boxeur vit une montée d’adrénaline inexplicable.

Photo: Zuffa Boxing – Marc Ramsay, Samuel Décarie-Drolet, Christian Mbilli, Shawn Collinson (un peu caché) et Luc-Vincent Ouellet

Le combat

Et puis, les cloches ont sonné. Le duel a commencé comme une danse violente, une étreinte brutale entre deux hommes qui refusaient de céder. Chaque round apportait son lot d’émotions, chaque minute exigeait des ajustements. Nous faisions évoluer notre stratégie, Martinez et son équipe répliquaient aussitôt. C’était un jeu d’échecs disputé à coups de poing, un feu croisé d’attaques et de ripostes. Impossible de rester insensible. Ce fut un combat difficile à juger, haletant, un spectacle qui m’a laissé sans voix tant j’ai crié.

Les émotions montaient en vagues. Les spectateurs retenaient leur souffle, puis explosaient d’un seul cri. C’était haletant, brutal, sublime. Le genre de duel qui rappelle pourquoi on aime la boxe, pourquoi on appelle ce sport le noble art.

Photo: Zuffa Boxing – Christian Mbilli vs Lester Martinez

Après la tempête

Dans le vestiaire, les lumières s’étaient éteintes. Les cris de la foule s’étaient tus. Ne restait que les respirations lourdes, les corps marqués. Le visage de Christian portait les traces de la guerre : tuméfié, gonflé, témoin des centaines de coups encaissés. Malgré la performance, malgré l’intensité, il semblait déçu. Déçu, car Christian n’est pas du genre à se satisfaire d’un nul. Il voulait la victoire. Il avait travaillé trop dur, sacrifié trop de choses pour viser autre chose que le sommet.

Mais il faut le dire: il mérite le repos du guerrier. Des vacances, du silence, un temps pour panser ses blessures. Il reviendra. Plus affamé. Plus déterminé. Plus fort. Parce que ce combat n’était pas une fin, mais une étape de plus sur un chemin forgé par la sueur, la douleur et la discipline.

Photo: Zuffa Boxing – Lester Martinez et Christian Mbilli

Conclusion de ce carnet de voyage

Moi, je reste fier. Fier de mon équipe, Fier de Christian, de ce qu’il incarne. Travailleur, humble, exemplaire. S’il n’a pas eu la victoire qu’il espérait, il a gagné le respect éternel de tous ceux qui ont vu ce combat.

Le soir du combat, devant près de 70 000 spectateurs en furie et des millions de téléspectateurs à travers le monde, Christian Mbilli a livré non seulement un combat, mais une épopée. Une bataille qui restera gravée dans la mémoire du sport.

Et dans l’œil du cyclone, il a prouvé qu’il était fait de la même matière que les légendes. Pour moi, Christian appartient déjà aux plus grands, car je reconnais l’ensemble de l’œuvre et que je ne me fie pas qu’à un seul instant de l’espace-temps.

J’espère que ce récit de voyage vous a plu, il m’a fait plaisir de partager avec vous ce que peu de gens peuvent réellement voir.

Photo: Zuffa Boxing – Christian ‘Solide’ Mbilli