Mobile header

Carnet de voyage – Chapitre 2: L’arrivée à Las Vegas – Le choc des grandeurs

Samuel Décarie-Drolet - Punching Grace

Il y a des endroits qui frappent de plein fouet dès qu’on y met les pieds. Las Vegas en fait partie.

La chaleur sèche m’enveloppe aussitôt en sortant de l’aéroport, ce souffle brûlant qui colle à la peau et rappelle que le désert n’est jamais bien loin. Mais c’est l’autre chaleur, celle de la ville, qui surprend le plus: le vacarme des taxis, l’éclat des écrans géants, et surtout, ces immenses affiches de Canelo-Crawford, comme si le monde entier tournait autour de ce combat. Ici, tout est surdimensionné.

Le voyage avait d’ailleurs commencé sur une note particulière. Alors que j’attendais mon vol dans le Lounge Desjardins, j’ai eu le plaisir de croiser un ami de longue date, Baha Laham. Ancien boxeur (même si au fond de moi, je crois qu’un boxeur reste toujours un boxeur, même après la retraite) il était accompagné de sa charmante épouse Tawnia. Eux aussi prenaient la direction de Vegas.

Photo: BoxRec – Baha Laham

«C’est le style d’expérience qu’il faut vivre au moins une fois dans sa vie», m’a-t-il lancé avec ce sourire complice qui lui est propre. Et il a bien raison : au-delà des néons et du spectacle, il y a des Québécois qui font le voyage pour venir vibrer ensemble, pour être témoins d’un moment unique, mais surtout pour encourager un des nôtres. Car Christian Mbilli, Québécois d’adoption, nous représente avec une fierté et une intensité qui donnent envie de faire la route juste pour l’applaudir sous les projecteurs.

Après environ cinq heures de vol, accompagné de Shawn Collinson, nous marchons au milieu de ce chaos électrique. L’objectif sera éventuellement de rejoindre Christian Mbilli, Marc Ramsay, Luc-Vincent Ouellet et Philippe Gougeon, le préparateur physique et conseiller en nutrition de Christian.

Photo: Virginie Assaly – Philippe Gougeon, Marc Ramsay, Christian Mbilli et Luc-Vincent Ouellet

Puisqu’ils sont là depuis presque deux semaines, ils ont loué une maison. Ils y sont bien. Pas question d’aller à l’hôtel où il est facile de perdre le focus. Notre équipe est prête, soudée, et pourtant on sent tout de suite le contraste entre nous et cette ville. Vegas carbure à l’excès. Christian, lui, carbure à la discipline. Alors que les casinos rugissent et que les touristes cherchent l’ivresse, Mbilli avance droit devant, mission claire en tête : gagner.

Ça commence

Dès nos premières démarches, nous sommes happés par le rythme effréné des grands événements. À peine les bagages récupérés, Luc-Vincent et Marc nous cueillent à l’aéroport. Aucun répit : on file ramasser Christian et Philippe, cap sur la rencontre avec les médias. Dans ce ballet de micros et de caméras, Christian enchaîne les réponses, souvent aux mêmes questions, avant de se prêter au jeu d’une conférence de presse ouverte au public, où l’électricité dans l’air annonce déjà les jours à venir.

Photo: Zuffa Boxing – Christian Mbilli, Dana White et Lester Martinez

Ce n’est qu’après cette première tempête que nous pouvons enfin déposer nos valises. L’hôtel Fontainebleau, où Shawn et moi logeons, impose sa démesure: un monstre de luxe aux chambres qui s’arrachent à près de mille dollars la nuit. Pourtant, au-delà du faste et des paillettes, il me faut m’ancrer. Alors, comme j’aime le faire sur la route, j’enfile mes chaussures de course et pars redécouvrir la strip. Courir c’est un rituel : ma façon de délier mes jambes, de m’approprier l’espace et de respirer ce nouvel environnement. Et ce soir, entre les néons aveuglants et le soleil encore brûlant, j’ai l’impression d’avancer dans un décor de cinéma, à la recherche de repères dans un monde qui ne semble jamais s’arrêter.

L’envers du décor

Et puis, il y a les coulisses. Plus l’événement est gros, plus les intervenants se multiplient. Les promoteurs, les diffuseurs, les agents, les différents responsables de ci ou de ça, chacun a sa voix. Résultat : l’information circule mal, se dilue, parfois se contredit. Réjean Tremblay en parlait plus tôt cette semaine dans son article «Mbilli va très bien, le reste est bien compliqué». Mais malgré ce brouhaha organisationnel, une chose reste limpide: Mbilli est en mission. Son moral est d’acier, sa concentration implacable. Il avance droit devant, sans se laisser distraire par les casinos rugissants ou les lumières aveuglantes. Et cette énergie, cette assurance, c’est contagieux. Avec lui, tout semble simple, comme si la mécanique était parfaitement huilée.

L’armée Mbilli

Je ne peux passer sous silence cette petite troupe de soldats qui veille aux intérêts de Christian. Virginie Assaly, véritable maître de la logistique, elle prévoit toujours quelques coups d’avance. C’est un atout inestimable quand chaque minute compte. C’est aussi ma partenaire de jogging lorsque nous sommes sur la route. C’est avec elle que l’on transforme une simple course en terrain de repérage. Bien entendu, Camille Estephan est du voyage, épaulé par l’avocat d’Eye of the Tiger, Anthony Rudman. Avec ces deux-là en première ligne, impossible d’essayer de nous en passer une petite vite : tout est verrouillé, bétonné. Ce n’est plus seulement une équipe, c’est une petite armée qui a pris d’assaut Vegas.

Photo: Vincent Ethier – Virginie Assaly, Antonin Décarie et Camille Estephan

La pesée

Vendredi, c’est le premier vrai test : la pesée. Ce moment que les boxeurs décrivent comme un combat en soi, celui contre la balance. Christian et Martinez devront respecter la limite des 168 lb, catégorie des super-moyens. Au moment où j’écris ces lignes, Mbilli se prépare pour son dernier entraînement, une séance de coupe de poids. C’est exigeant, jamais agréable, mais il n’a jamais eu de difficulté à faire le poids. Vu l’ampleur leur du combat chaque détail a été pensé, encadré, contrôlé. Philippe est là, laptop à la main et il surveille tout. La pesée n’est qu’une formalité, mais une formalité obligatoire : sans elle, pas de ceinture en jeu. Ou pire encore pas de combats!

Et Christian, qui aime collectionner les ceintures comme d’autres collectionnent les timbres, ne compte pas s’arrêter là. Aujourd’hui, il empile les titres. Demain, ce sera peut-être les millions. On lui souhaite.