4 h 45. Le réveil est brutal, mais attendu.
Le décalage horaire ne me laisse aucun répit, et tant mieux. J’ai la tête claire, les yeux encore un peu lourds, mais le temps est à moi. J’en profite pour revoir quelques séquences de Lester Martínez. Chaque geste, chaque angle, chaque habitude qu’il pourrait tenter de reproduire demain soir. Dans le silence feutré de ma chambre d’hôtel, les images dansent sur l’écran et le combat se dessine pour une millième fois dans ma tête.
Photo: Zuffa Boxing – Mbilli, Dana White et Martinez
Il est encore tot, je lace mes chaussures de course. Dehors, Las Vegas dort encore. La ville est à peine éveillée, l’asphalte est frais, et je cours, laissant derrière moi le souffle de l’air désertique. Un petit 5km qui fait du bien au corps et à l’esprit.
À 8 h 15, la mécanique de la journée s’enclenche. Direction Conférence Center, le lieu de la première pesée. Christian est déjà là, ponctuel comme toujours. Il monte sur la balance d’essai: un peu en dessous de la limite.
Parfait. Il prend quelques gorgées d’eau en attendant l’officiel. Pendant ce temps, les papiers s’empilent : formulaires à signer, signatures à répéter, et la rencontre obligatoire avec le médecin pour confirmer que tout est en ordre. Quand vient le moment décisif, la balance s’arrête à 167 livres. Net, précis. Christian est prêt.
Photo: Samuel Décarie-Drolet – Christian Mbilli avec du homard, du steak, des pâtes… et beaucoup de pain!
La tension retombe et l’heure du véritable petit-déjeuner arrive. Comme il aime le dire : « après la pesée, c’est le vrai festin ». Direction Blueberry Hill Restaurant and Bakery, sur Flamingo Road, une institution de Vegas. Les assiettes défilent devant Christian, je me demande toujours comment il arrive à engloutir autant après des jours de restrictions. Mais rien n’est laissé au hasard: Philippe Gougeon a tout planifié, chaque portion, chaque calorie. Le matin, c’est copieux. À midi, ce sera plus léger : bagels, miel, confiture. Et ce soir, après la deuxième pesée, un détour par un restaurant italien pour les pâtes. L’objectif est clair : recharger les batteries, refaire le plein de glucides, remplir le réservoir pour que demain il déborde d’énergie. Quand on pense qu’au cours des cinq derniers jours, Christian a dû réduire son apport à 100 grammes de glucides par jour, on comprend mieux la stratégie derrière ce marathon culinaire.
À Las Vegas, chaque pas peut vous faire croiser une légende. Freddie Roach dans un hall d’hôtel, Roy Jones Jr en train de saluer des fans, Shane Mosley qui discute tranquillement avec un journaliste. Fernando Vargas, Abel Sanchez… Tous ces visages qui ont écrit l’histoire du noble art se retrouvent dans ce même microcosme. La Mecque de la boxe n’a jamais aussi bien porté son nom.
Photo: Boxing Socials – Roy Jones Jr
En fin d’après-midi, c’est le moment de la deuxième pesée au T-Mobile Arena. Cette deuxième pesée est publique cette fois. Les caméras, les micros, les flashs. L’ambiance change : on n’est plus dans l’intime, on est dans le spectacle. La musique latine, les gens qui dansent, les cris… c’est la joie, c’est la folie! Christian, lui, garde son calme, mais on sent que la scène grandit autour de lui. Marc Ramsay ne bronche pas. Il est dans sa bulle. Concentré. Chaque regard, chaque geste est calibré. Il sait compter sur son équipe, Luc joue les chauffeurs et le G.O. Marc est vraiment un entraîneur d’exception, l’un des plus grands. Et au fond de moi, je ne cesse de penser: Christian sera fort probablement son sixième champion du monde.
Samedi, le vrai combat.
Photo: Vincent Ethier – Marc Ramsay et Christian Mbilli