Photos: Esther Lin / PBC – Gervonta « Tank » Davis (30-0-1, 28 K.-O.) aurait-il dû subir sa première défaite en carrière?
Gervonta Davis ne s’attendait certainement pas, le premier mars dernier, à livrer un combat difficile, et encore moins de tomber en disgrâce.
Largement favori, «Tank» aurait dû aisément résoudre le style de son adversaire Lamont Roach. Mais que s’est-il passé? Tout porte à croire que ce duel de styles n’a pas été à l’avantage du champion.
La contre-attaque de Davis déstabilisée?
Vous connaissez peut-être l’expression: «contre-attaquer le contre-attaquant». Appliquée à notre cas, ceci signifie qu’au lieu de se concentrer uniquement sur l’attaque, le camp Roach avait certainement comme objectif de forcer Davis à lancer ses coups pour ensuite le contre-attaquer.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que «Tank» n’a pas été en mesure de démontrer toutes ses habiletés en tant que contre-attaquant. À ce chapitre, il a paru au contraire relativement déconcerté contre un adversaire beaucoup plus en contrôle.
Malgré tout, «Tank» a pu sauver la mise en obtenant un match nul majoritaire. S’il s’en est tiré de la sorte, c’est sans doute parce que les juges ont considéré qu’en raison de sa puissance, il avait réussi à compenser le maigre résultat obtenu quant au volume de coups.
Quoi qu’il en soit, la piètre performance de «Tank» a déçu les fans! Et comme si ce n’était pas assez, il faut ajouter à ses déboires un incident survenu au neuvième round, lequel continuera encore longtemps à le hanter.
«Tank» met un genou au sol, mais l’arbitre ne le comptabilise pas comme un knockdown…
Il faut savoir que pour un boxeur ayant subi un knockdown, cela se traduira très souvent dans ce round par un 10-8 en faveur de l’adversaire. Un knockdown aurait pu être lourd de conséquence pour Davis.
D’ailleurs, le cas échéant, ce match nul se serait-il en quelque sorte transformé en une victoire pour Roach? C’est la conclusion à laquelle plusieurs commentateurs sont arrivés en analysant rétrospectivement la carte des juges.
Mais en pratique, un tel scénario n’aurait pu se matérialiser que dans la mesure où ce knockdown n’aurait eu par la suite aucun impact sur l’allure du combat. Car la question se pose: un compte de huit aurait-il pu provoquer le réveil de «Tank»? J’en doute, mais qui sait.
Allons plutôt à l’essentiel. De nombreux fans ont manifesté leur indignation à l’égard de l’arbitre Steve Willis, lequel a fait fi du knockdown. Leur argumentation peut se résumer comme suit: l’arbitre a failli à sa tâche au moment où Davis a mis un genou au sol. Le knockdown aurait dû alors être comptabilisé de façon automatique.
Qu’en est-il de la réglementation?
Afin de résoudre une polémique, il convient en premier lieu de consulter la réglementation. Celle-ci contient la plupart du temps des dispositions énonçant les règles auxquelles doit s’astreindre l’arbitre. En l’occurrence, voici ce que révèle l’ABC Regulatory Guidelines and Rules:
«It shall be ruled a knockdown when, as a result of a legal blow or
series of legal blows, a contestant:
1. Touches the floor with any part of the body other than his/her feet;
2…»
Ici, l’expression «as a result of» implique que le knockdown ne peut être comptabilisé que s’il «résulte» d’un coup légal. Ainsi, pour que l’arbitre puisse conclure à un knockdown, il doit exister un lien de cause à effet entre le genou au sol et un coup exécuté par l’adversaire. Ce n’était manifestement pas le cas en l’espèce.
D’ailleurs, tout en prétendant que le knockdown aurait dû être officialisé, Lamont Roach a reconnu que Davis avait mis un genou au sol en raison de la graisse qui lui brûlait les yeux.
Allons plus loin. Si un tel incident avait eu lieu au Québec, la même conclusion se serait-elle imposée? Voici ce que la réglementation québécoise édicte sur ce point :
S-3.1, r. 11 – Règlement sur les sports de combat:
105 Un concurrent doit être déclaré «knock-down» lorsque, de par l’action de son adversaire:
1° une partie de son corps, autre que ses pieds, touche le tapis du ring à la suite d’un coup permis de l’adversaire;
2° … »
Après avoir lu plusieurs versions réglementaires concernant le knockdown, je constate que l’exigence de ce lien de causalité revient constamment. Il me paraît donc évident que l’arbitre Steve Willis n’a rien à se reprocher quant à la question du knockdown proprement dit.
Par ailleurs, le débat n’est pas clos pour autant. Il y a encore lieu ici de poursuivre l’analyse concernant le comportement de «Tank», c’est-à-dire à partir du moment où ses yeux ont été incommodé.
Un comportement incongru
Au neuvième round, après avoir mis un genou au sol, Davis n’a pas attendu que l’arbitre débute le compte de huit. Il a rapidement tourné le dos à l’arbitre et s’est dirigé dans son coin pour qu’on lui essuie le visage.
Un tel comportement peut se retrouver lors d’une séance de sparring, mais aucunement au moment de livrer un combat. Davis aurait dû alors s’adresser tout d’abord à l’arbitre pour qu’il l’autorise à demander l’aide de son coin ou celle du médecin d’office.
Comment expliquer que le comportement de «Tank» n’ait pas été réprimandé par l’arbitre? Un boxeur moins réputé ayant agi de la sorte n’aurait certainement pas été aussi facilement excusé.
Or, il faut compter ici sur le bon jugement de l’arbitre. En d’autres mots, au sens de la réglementation, c’est ce qu’on appelle le «pouvoir discrétionnaire» dont l’arbitre doit faire usage dans beaucoup de cas. Ainsi, le règlement permet à celui-ci de profiter d’une certaine liberté d’appréciation et d’interprétation par rapport à des situations semblables à celle que je viens d’examiner.
Comme beaucoup de fans, je n’accepte pas toujours de bon gré les décisions d’un arbitre ou d’un juge. Mais je dois à chaque fois faire la paix avec les aspects discrétionnaires de leurs décisions. Je me dis alors qu’ils sont nécessaires au fonctionnement d’un rouage imparfait.
Néanmoins, face à l’étendue de ce pouvoir discrétionnaire, vous et moi ne sommes pas en reste puisque nous disposons de la liberté d’expression. Celle-ci vaut bien tous les autres types de libertés et privilèges.