Photos: 20th Century Fox – Samuel L. Jackson
Après la chronique des surnoms et celle de littérature, mon pèlerinage culturel se poursuit avec maintenant une critique du meilleur film de boxe jamais tourné; The Great White Hype.
Traduit «Les vices de l’arène», ou «La couleur de l’arnaque», pour nos cousins français, est une comédie satirique américaine sortie en 1996, réalisée par Reginald Hudlin. Ce n’est pas un drame de boxe traditionnel à la Rocky — c’est plutôt une critique mordante du business de la boxe, centrée sur la manipulation médiatique, les tensions raciales, et la recherche effrénée du profit dans le monde des combats professionnels.
Comment ce film, que la critique a enterré et qui fut un terrible flop au box-office à sa sortie, est-il devenu aujourd’hui un incontournable dans les écoles de business et le film préféré des fans hardcore de boxe?
Le contexte historique
Le film sort dans un timing médiatique incroyable: on est à quelques mois du combat entre Evander Holyfield et Mike Tyson, et la boxe est encore à l’avant-scène de la couverture médiatique à cette époque.
L’histoire
Le champion du monde James « La Faucheuse » Roper (interprété par Damon Wayans) est trop dominant pour sa division de poids. Sa dominance cause un problème à son promoteur, le coloré Fred Sultan (joué par Samuel L. Jackson), qui n’arrive plus à faire de l’argent avec ses combats. Les partisans n’achètent plus les pay-per-view, car ils jugent que le champion unifié l’emporte trop facilement.
Sultan, un génie de la promotion, se creuse la tête pour faire tourner la tendance et recommencer à engranger des dollars avec son champion. Son idée pour repartir la machine à fric? Un grand boxeur blanc à opposer à Roper — exactement comme l’histoire l’a démontré avec des boxeurs comme Rocky Marciano et Gerry Cooney.
Le Sultan a la plus grande idée de l’histoire : un aspirant poids lourd blanc. Il déniche Terry Conklin, un activiste devenu pacifiste (interprété par Peter Berg), qui a déjà battu Roper chez les amateurs. Le spectacle commence.
«Le public veut un héros qui lui ressemble. Si le boxeur blanc sait marcher en ligne droite et mâcher de la gomme en même temps, je peux vendre deux millions de billets.» – Fred Sultan
Pourquoi ce film m’a tout appris
Le vrai sujet du film, ce n’est en rien le combat en tant que tel. C’est l’argent, le jeu de pouvoir, la corruption et les manipulations en arrière-scène. Le réalisateur Reginald Hudlin a réussi à mettre tous les clichés et petits trucs de la boxe professionnelle dans un même 90 minutes. Il a même réussi, en 1996, à prédire comment la boxe allait tourner 30 ans plus tard.
Si vous pensez que Les Simpson sont prémonitoires, attendez de voir Les vices de l’arène.
Tout ce que j’ai appris en 1996
L’aspirant obligatoire se nomme Marvin Shabazz. Il est aspirant obligatoire depuis des années. Le Sultan ne veut rien savoir de ce combat parce qu’il est afro-américain et aussi dangereux sur le ring. Malgré son statut, on le laisse moisir pour affronter un boxeur blanc non classé: Terry Conklin.
Shabazz a attendu aussi longtemps qu’Eleider Alvarez après Adonis Stevenson.
Julio Escobar, la WBA fictive et les vrais passe-droits
Le président fictif de la WBA dans ce film se nomme Julio Escobar. Il est dans l’entourage immédiat du Sultan et manipule à sa guise les classements. Il sue à grosses gouttes quand il classe Terry Conklin 6e à la WBA sans jamais avoir boxé chez les pros.
«Si la boxe ne vous offre pas d’aspirants payants, il suffit de le créer.» – Sultan
Dans le film, Sultan monte un combat avec un adversaire blanc rouillé… uniquement parce qu’il est blanc. En réalité, Gerry Cooney était présenté comme le Great White Hope dans son combat face à Larry Holmes. Tommy Morrison a aussi profité de beaucoup de promotions. Le film devance même de plusieurs années les combats-spectacles comme ceux de Jake Paul aujourd’hui.
Mitchell Kane: le journaliste vendu
Au début du film, Mitchell Kane est un journaliste intègre qui dénonce les dérives racistes et capitalistes de ce combat. Après avoir rencontré Sultan face à face, il accepte un emploi pour promouvoir le combat. Il devient l’artisan médiatique du «combat du siècle».
Il incarne parfaitement les dernières années où les promoteurs comme Turki Alalshikh engagent des journalistes comme Mike Coppinger ou achètent The Ring Magazine. La faiblesse des médias traditionnels et la montée des blogueurs a changé la façon de couvrir le sport.
«Vous ne pouvez pas changer le monde de l’extérieur. Il faut entrer dans le système pour le changer…» – Mitchell Kane, juste avant de s’acheter une villa avec piscine et d’effacer ses principes.
Les vices de l’arène, c’est bien plus qu’un film de boxe. C’est une satire précise de la boxe actuelle, un miroir cruel mais hilarant tendu à l’industrie de la boxe — celle des magouilles, des aspirations sacrifiées, des classements achetés et des associations lousses avec leur propre règlement.
En 1996, le film a été boudé. En 2025, il est prophétique.
Quand on voit aujourd’hui des influenceurs devenir têtes d’affiche, des fédérations créer des ceintures sur mesure, ou des journalistes porter le chapeau de promoteur, on se dit que Sultan avait raison:
«Le public ne veut pas la vérité. Il veut du spectacle.»
Et si tu veux comprendre la boxe moderne, regarde ce film.
Dans le podcast
Bektemir Melikuziev est devenu aspirant obligatoire à la WBA en battant de manière compliquée Darius Fulghum aux juges. Christian Mbilli ou Osleys Iglesias n’ont rien à craindre si le téléphone sonne pour affronter l’Uzbek.
Caleb Plant s’est fait surprendre, samedi dernier, contre Jose Armando Resendiz. Sans cette défaite désastreuse, il aurait affronté Jermall Charlo, qui a écrasé Thomas «Corneflake» LaManna en demi-finale. Encore une fois, on nous a «vendu» des combats que personne ne voulait voir en nous promettant un combat qui n’arrivera pas… du moins à court terme.
Je me range derrière les Oilers D’Edmonton et Stuart Skinner pour remporter la coupe Stanley. Avec 2.53 de moyenne de buts alloués et .904 de pourcentage d’arrêt, il fait la job pour laquelle on le paie.
Aller écouter mon entrevue avec Moreno Fendero sur la page Boxingtown Québec, j’ai découvert un jeune homme bien sympathique.
Photo: Vincent Ethier – Marc Ramsay et Moreno Fendero