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TKO Boxing: doit-on craindre Dana White?

Laurent Poulin - Boxingtown Québec

Photo: Andrius Petrucenia – Dana White, président de l’UFC

Depuis des années, Dana White, président et PDG de l’UFC, montre un intérêt marqué pour la boxe professionnelle. En mars 2025, ce n’est plus une rumeur…

White a officiellement annoncé son entrée dans ce monde avec une nouvelle ligue, en partenariat avec Turki Alalshikh, président de l’Autorité générale du divertissement d’Arabie saoudite, et soutenue par TKO Group Holdings, la maison-mère de l’UFC et de la WWE. Avec des événements prévus dès 2026, cette initiative promet de bouleverser le paysage de la boxe.

Mais à quoi peut-on vraiment s’attendre de cette alliance entre le cerveau derrière le succès de l’UFC et un prince saoudien si riche qu’il peut financer des combats dont on n’osait même pas rêver, balayant les chicanes entre promoteurs, les restrictions des réseaux de télévision et même les divisions de poids traditionnelles?

Photo: The Ring Magazine – Dana White et Turki Alalshikh

Un modèle inspiré de l’UFC

Dana White l’a dit clairement : il veut importer dans la boxe le modèle qui a fait le succès de l’UFC. Une organisation centralisée où les meilleurs affrontent les meilleurs, avec des classements clairs et une progression structurée vers des titres mondiaux. Fini la boxe actuelle, fragmentée par une multitude de fédérations (WBA, WBC, IBF, WBO) et leurs innombrables ceintures.

White promet une approche simplifiée : un champion par catégorie, un seul chemin vers la gloire. Une vision qui pourrait séduire les fans fatigués des combats évités et des titres dilués.

Pour y arriver, la ligue prévoit un système de développement des talents : des tournois pour repérer les prospects et des académies pour les former. Les boxeurs auront aussi accès aux UFC Performance Institutes, ces centres d’entraînement ultramodernes à Las Vegas, Mexico et Shanghai. On parle même d’un retour aux huit catégories de poids historiques… Ce qui me semble un peu farfelu et difficile à concrétiser.

Je reste sceptique sur l’idée d’un seul classement : comment imaginer que le Ring Magazine, propriété de Turki Alalshikh, ne favorise pas les boxeurs prêts à signer avec lui ou à participer à ses événements?

Photo: PBC Boxing- Sakio Bika face à Adonis Stevenson, dans un gala PBC présenté en après-midi, à Québec…

J’étais à mes débuts à couvrir la boxe de manière assidue en 2015 quand Al Haymon et PBC a pris d’assault la boxe. Le plan de PBC visait à ramener la boxe sur la télé gratuite et faire abstraction des 4 grandes associations. PBC signait tout ce qui bougeait, pour eux ça semblait important de contrôler le côté A et B et l’équation. NBC, CBS et ESPN servaient de diffuseur.

PBC finalement a épuisé le budget initial de 500 millions, leurs boxeurs étant trop bien payés boxaient moins souvent et il n’y a plus aucun buzz autour d’Al Haymon en boxe.

Yvon Michel a fait partie de l’aventure de PBC comme promoteur québécois. On l’a aussi vu en 2021 avec Probellum, Richard Schaefer en a signé énormément de boxeurs et prévoyait réinventer le sport en faisait des alliances avec de nombreux promoteurs. Finalement et c’est nébuleux, Probellum s’est rapidement tourné des projets moins ambitieux et je ne sais même plus si la compagnie existe aujourd’hui.

Vers de meilleures productions?

Avec TKO Group Holdings aux manettes, la production des événements s’annonce spectaculaire. White promet des diffusions « dernier cri », dans la lignée des soirées UFC: une réalisation soignée et une expérience immersive, autant en direct qu’à la maison. Fini les soirées de boxe où l’attente entre les combats s’éternise; White, qui a souvent critiqué ce rythme mollasson, assure une cadence plus dynamique.

«Des longueurs, c’est parfait à la piscine, pas dans un show de boxe.» – Noé Cloutier spécialiste de boxe

Ayant regardé environ deux soirées UFC dans ma vie, j’ai toujours aimé la façon dont ils présentent les combattants avant le combat avec des « packages vidéo ». On découvre leur gym, leurs spécialités et une courte entrevue d’avant-match…

Photo: UFC – Gala tenu à la Sphère de Las Vegas…

L’UFC sait vendre l’histoire derrière un duel, et ça pourrait être un atout en boxe. Ce soin apporté à la mise en scène pourrait s’accompagner de partenariats avec des plateformes majeures. Les détails restent flous, mais les liens de TKO avec ESPN (via l’UFC) laissent présager une diffusion accessible et de grande écoute.

Ajoutez le financement saoudien, via Sela et Alalshikh, et les budgets ne seront clairement pas un souci. On parle déjà de cagnottes généreuses pour attirer les stars et organiser des superfights. Sela, un fonds souverain saoudien dédié aux grands événements, a les moyens de ses ambitions.

Le partisan sera-t-il gagnant?

Pour le public, une boxe plus compétitive et mieux produite, c’est alléchant. White a une réputation de tenir ses promesses, et son succès avec l’UFC prouve qu’il sait captiver les foules. Mais pour les boxeurs, c’est plus compliqué. Dans l’UFC, les combattants sont sous contrats exclusifs, avec peu de contrôle sur leurs adversaires ou leurs revenus.

En boxe, grâce à la Loi Ali de 2000, ils jouissent de plus de liberté, avec des contrats limités dans le temps. White pourra-t-il imposer un modèle aussi rigide dans un sport où des stars comme Canelo Alvarez ou Tyson Fury dictent leurs conditions?

J’ai souvent ri des bourses versées aux combattants UFC. Avec ce que Floyd Mayweather a touché contre Marcos Maidana, on aurait pu financer les UFC 190 à 231! En ajoutant la revanche, ça couvrirait jusqu’au 273.

Mais le financement saoudien pourrait tout changer. Avec des ressources quasi illimitées, la ligue pourrait offrir des sommes assez folles pour convaincre les gros noms. Alalshikh a déjà montré son savoir-faire avec des combats comme Fury-Usyk. Reste à voir si les boxeurs accepteront de sacrifier leur autonomie pour un chèque.

Une menace pour les promoteurs traditionnels?

L’arrivée de White ne fera pas que des heureux. Des promoteurs comme Eddie Hearn (Matchroom) ou Bob Arum (Top Rank) pourraient voir leur influence s’éroder si cette ligue impose son propre titre et marginalise les fédérations existantes. Hearn a réagi avec prudence, saluant l’idée tout en défendant la boxe actuelle, qui selon lui n’a pas besoin d’être « jetée à terre et reconstruite » comme White le prétend. Si la ligue attire les meilleurs et coexiste mal avec l’écosystème établi, elle pourrait redessiner les rapports de force. J’ai même cauchemardé d’un monde avec quatre champions classiques (IBF, WBA, WBC, WBO), plus un titre Ring Magazine et un autre classement à suivre…

Verdict: j’ai aucune idée quoi en penser

L’entrée de Dana White en boxe, avec Alalshikh et TKO, va faire jaser. Pour l’instant, seul Teofimo Lopez s’est prononcé publiquement, et certains champions ont exhibé la ceinture verte de la WBC. Si le projet tient ses promesses, on pourrait voir une boxe plus fluide, plus compétitive et rajeunie dans sa présentation.

Mais les défis sont nombreux : convaincre les boxeurs, rivaliser avec les structures existantes et adapter un modèle MMA à un sport différent. C’est un pari ambitieux qui pourrait redéfinir la boxe… ou s’effondrer sous son propre poids. Une chose est sûre: avec White aux commandes, ça ne passera pas inaperçu.

J’ai vu PBC et Probellum tenter des coups similaires par le passé. Mais ici, on remplace les millions par des milliards. Et parfois, l’argent – surtout quand il est illimité – peut transformer un projet en succès.

Photo: Arthur Biyarslanov, ex-boxeur de Probellum…

Dans le podcast

La première fois que j’ai loué une cassette UFC au Vidéotron sur la rue Masson, j’ai vu un gars marcher vers le ring avec un crucifix sur le dos et un sumo affronter un karatéka.

Franchement, je n’ai pas détesté.

Norvège et Thaïlande: Depuis 1982, la Norvège interdit les sports avec coups à la tête sous sa « Loi sur le KO ». Cette règle a été assouplie en 2024, autorisant la boxe pro avec des normes ultra-strictes – plus sévères encore que ne l’était Michel Hamelin, c’est peu dire ! En Thaïlande, le MMA reste interdit, jugé trop brutal. Le muay thaï, trésor national, règne en maître.

Bonne vacances Réjean!