Photo: Vincent Ethier / EOTTM – Deux vieux amis se retrouveront le 14 mars…
Je crois que c’était en 2013, Boxe-Québec me donnait le mandat de diriger un camp d’entraînement réunissant l’équipe du Québec junior. Parmi ce groupe de jeunes boxeurs, il y avait Erik Bazinyan et Steven Butler.
Tout au long de ce camp d’entraînement, je m’étais efforcé d’offrir le même enseignement à ces deux boxeurs à peine âgés de 17 ans. Par souci de professionnalisme, il était alors important pour moi de ne laisser aucune place au favoritisme…
D’ailleurs, pour les fins de cet article, je vais tenter de conserver le même objectif. Mais je vous rassure, ce ne sera plus le cas le 14 mars prochain puisque je serai dans le coin de Steven Butler.
Vous comprendrez que je ne dévoilerai en prévision de ce combat aucun plan de match, ni la moindre tactique que ce soit. Ainsi, mon propos portera strictement sur les aspects techniques de ces deux boxeurs. Mais d’abord, je veux m’intéresser à l’impact que ce combat devrait avoir auprès des fans.
Photo: Vincent Ethier – Erik Bazinyan et Steven Butler
Un combat à saveur locale
Ce que les fans apprécient le plus de la boxe, ce sont certainement les combats opposant en finale deux boxeurs locaux. Rien de tel que ce type de confrontation pour susciter l’émotion et la nostalgie. Dans ces moments-là, c’est comme si la boxe pouvait enfin retrouver tous ses fans, en ravivant la flamme que l’absence de combats locaux d’envergure avait éteinte chez un bon nombre d’entre eux.
D’ailleurs, on peut se demander pourquoi l’intérêt pour la boxe est-il si irrégulier et cyclique? Si je devais répondre à la question, j’envisagerais l’hypothèse que l’absence ou l’insuffisance de combats locaux d’envergure coïncide avec les creux de vague.
Mais une chose est sûre, c’est qu’il y a en ce moment de l’effervescence dans l’air! La boxe locale a quelque chose de magique! C’est comme si d’un seul coup, on avait sonné le réveil de tous les fans. Déjà, ils sont sur le pied de guerre, prêts à s’engager plus avant dans la controverse qu’ils veulent soutenir et même faire grandir.
Si l’on peut affirmer avec certitude que l’émotion sera à son comble dans ce combat, c’est aussi parce que l’enjeu renferme une caractéristique particulièrement appréciée des amateurs de boxe. Je réfère ici aux duels de styles dont certains donnent lieu à des affrontements on ne peut plus spectaculaires.
Photo: Vincent Ethier – Camille Estephan, Erik Bazinyan, Steven Butler et Antonin Décarie, en 2022
Technicien vs. Cogneur
Chez les amateurs, Erik Bazinyan et Steven Butler n’étaient pas très différents dans leur manière de combattre. Même si Erik avait au départ l’habitude de se déplacer en sautillant d’un pied à l’autre (la pendule est un style très populaire en Europe), il est parvenu rapidement à adopter tout aussi bien les jeux de jambes qui sont davantage prisés au Québec.
Aussi, au stade amateur, lorsqu’Erik et Steven se sont affrontés lors de nombreux sparrings, leurs styles paraissaient assez similaires. Mais graduellement, c’est comme si la personnalité de chacun d’eux s’était imposée, ceci se confirmant par des indices de plus en plus percutants.
Comme Steven Butler, une bonne partie des cogneurs sont du type impatient. Ils ont tendance à tout précipiter. À l’inverse, la majorité des techniciens se montrent au contraire particulièrement patients dans le ring. À l’instar de Bazinyan, ils préfèrent attendre le bon round pour ouvrir la machine.
Photo: Vincent Ethier – Steven Butler face à Steve Rolls
Toujours sur le plan de la personnalité, le cogneur doit veiller à ne pas tomber dans ce vieux piège que les entraîneurs expérimentés appellent: la maladie du cogneur. Cela se produit lorsqu’un boxeur en vient à penser que la seule façon de l’emporter consiste à ne compter que sur la force de frappe. Le cas échéant, il risque alors de ne mettre l’emphase à l’entraînement que sur cet aspect tout en délaissant l’apprentissage d’autres facettes toutes aussi importantes.
Quant au technicien, les changements au niveau de sa personnalité pourraient l’avoir amené à perdre quelque peu de sa hargne. Ce boxeur devra alors compenser par une excellente défensive. Le danger, c’est qu’à l’entraînement il se concentre presqu’exclusivement sur les éléments techniques aux dépens de la force explosive et de la fougue qui y est rattachée.
Mais au bout du compte, ce catalogage des styles est-il vraiment fiable et efficace? Un entraîneur serait très imprudent de s’y fier aveuglément.
Photo: Mikey Williams – Erik Bazinyan face à Jaime Munguia
Une approche plus large
De nos jours, les entraîneurs ne tiennent plus autant à ce que les boxeurs se restreignent à un seul style. Les temps changent. À partir d’un style prédominant, le boxeur d’aujourd’hui emprunte des éléments techniques et stratégiques d’autres styles pour apporter de nouveaux ajustements.
Grâce à cette perspective, un boxeur peut surprendre son opposant en apportant une modification significative par rapport à son style habituel. Au moment d’évaluer un adversaire, un entraîneur futé doit toujours avoir ceci en tête. Dans le combat qui nous intéresse, certains de ces ajustements pourraient venir brouiller les pronostics des experts sur l’allure et l’issue du combat.
Ne comptez pas sur l’amitié
Erik Bazinyan et Steven Butler ont développé avec les années des liens d’amitié et de coopération. Mais il faut les avoir vus dans les sparrings, pour savoir qu’ils ne sont pas amis au moment de mettre les gants.
Je dois même avouer que leurs sparrings sont parmi les plus brutaux qu’il m’a été donné de voir.
Malgré leur différence de style, ils ont en commun une habileté que l’on ne retrouve pas chez beaucoup de boxeurs. En bref, ce sont tous les deux d’excellents finisseurs.
Et cela s’ajoutera certainement à la charge émotive que suscitera ce combat.
Photo: Virginie Assaly – Steven Butler… et Rénald Boisvert!