Mobile header

Les Québécois absents des grands du hockey?

Réjean Tremblay - Punching Grace

Photo: Canadiens de Montréal / FB

Ce soir, le seul Québécois d’Équipe-Canada sera assis dans les estrades. On ne peut même pas chialer, Jonathan Marchessault est le premier Québécois chez les marqueurs de la Ligue nationale. Et il est 61e au classement.

En 1978, six des 10 premiers compteurs de la LNH étaient des Québécois. Même si Denis Potvin est né à Ottawa pour une question d’hôpital. Guy Lafleur, Marcel Dionne, Mike Bossy entre autres dominaient le hockey.

En 1988, ils étaient encore cinq. Avec Michel Goulet, Luc Robitaille. Ici le cinquième est Peter Stastny. Mettons qu’il était Slovaque donc il en restait quatre.

Quand même.

En 1998, il en restait un. Vincent Lecavalier. Parmi les 20 premiers.
En 2008, personne.

En 2018-19, Claude Giroux. Il est la seule exception et Giroux est un franco-ontarien qui a appris et développé son hockey en Ontario.

Photo: BR / Open Ice – L’ancien des Remparts de Québec, Jonathan Marchessault

En 2024-25, le premier Québécois est Jonathan Marchessault. Il est 61e.

Mais que s’est-il passé? Comment est-on passé de Maurice Richard à Jean Béliveau, à Guy Lafleur, à Michel Goulet, à Stéphane Richer… à personne dans le top-20. Puis dans le top-30. Puis le Top-40…

Et maintenant dans le Top-60. Personne dans le Top-60?

C’EST LA FAUTE AUX AUTRES?

La réponse la plus facile et la plus paresseuse, c’est de dire que c’est normal. Le hockey s’est développé. La Suède a appris. Puis la Finlande. Le Mur de Berlin est tombé et les Russes sont débarqués. Avec les Tchèques, les Slovaques et les Allemands.
Mais nous sommes neuf millions. La Suède et la Tchéquie sont à 10 millions. La Finlande 5,5 millions comme la Slovaquie.

Expliquez-moi donc comment on peut trouver autant de Finlandais, de Tchèques, de Suédois et de Slovaques parmi les meilleurs au monde?

Expliquez-moi aussi comment les Américains sont passés de un (UN) (1) joueur dans la Ligue nationale du temps de Jean Béliveau à être l’équipe favorite pour le tournoi des 4 Nations?

On est passé d’une nation de hockey à un sujet de rapport commandé par la CAQ pour détourner l’attention des problèmes réels du Québec il y a quelques années. Et au fait, ce rapport, il se passe quoi avec?

Photo: NHL.com – La fierté de Sainte-Agathe-des-Monts, Pierre-Luc Dubois est à égalité avec Jonathan Marchessault chez les pointeurs… au 61e rang…

J’ai passé une partie de la journée d’hier au téléphone à valider des éléments de réponse avec des gens qui s’intéressent souvent avec passion au hockey.

Certains ont englobé toute la société québécoise dans leur piste de réflexion. Les Québécois aiment la douceur, le consensus, le confort et ne sont pas prêts à laisser leurs enfants affronter les difficultés d’un apprentissage vers l’excellence au hockey. C’est trop exigeant. Trop dur. Et puis, quels parents sont encore prêts à se lever tôt les fins de semaine pour aller encourager leurs rejetons dans des arénas le samedi matin?

Le hockey était un sport d’inclusion, c’est devenu un sport d’exclusion m’a dit une de mes personnes-ressources.

C’est vrai qu’on est loin du temps où les jeunes jouaient au hockey toute la journée sur la patinoire paroissiale ou de quartier avant de goûter à de la glace artificielle à l’adolescence. C’était simple, quand tu voulais la rondelle, fallait l’arracher à un grand et tricoter serré pour la conserver quelques secondes.

BEAUCOUP DE MATCHS

Mais tous les intervenants que j’ai joints ont réfléchi de la même façon sur un point. On joue trop de matchs, beaucoup trop de matchs et on ne prend pas le temps de développer les habiletés et le talent des jeunes.

C’est vrai au hockey mineur où les «bénévoles» font régner la terreur au point où un jeune de 11 ans ne peut jouer de l’automne parce qu’il est né du mauvais côté d’une rue à Ville Mont-Royal ou à Villeray.

Trop de matchs, trop de systèmes, trop de structures et pas assez de plaisir et de jeu. On étouffe les enfants avec des sorties de zone complexes au lieu de leur faire pratiquer leur coup de patin ou leur maniement de la rondelle. Pourquoi essayer de déjouer un adversaire quand le coach te crie de te débarrasser de la rondelle?

Regarder un match de hockey junior c’est comme regarder un match de la Ligue nationale à 80% de la vitesse. Tous les «paterns» de jeux sont les mêmes.

Photo: Cataractes de Shawinigan – Camille Estephan, Mehmet Unal et Roger Lavergne

Et on arrive au sommet de la pyramide. J’ai des amis dans le hockey junior. Guy Carbonneau, Michel Boivin, Gaby Asselin et les autres de la bande étaient les gestionnaires des Saguenéens de Chicoutimi. Avec les combats de Simon Kean à Shawinigan, Roger Lavergne, le propriétaire des Cataractes, est devenu un ami. Proche et sincère.

Un autre ami, Mario Cecchini est commissaire de la LHJMQ. Il a même obtenu qu’on coupe quatre matchs au calendrier.

Mais ce n’est pas assez. Si on veut que le hockey québécois se hisse au niveau de la Suède ou de la Finlande, il faudrait couper bien plus. En fait, l’idéal serait un calendrier d’une quarantaine de matchs. Au plus 48. Pour donner le temps aux entraîneurs de travailler pendant toute la semaine avec les jeunes. Leur donner le temps de les former. De leur rappeler les principes de base.

Photo: Vincent Ethier / LHJMQ – Mario Cecchini

Comme ça se passe dans la NCAA aux États-Unis.

Mais comment alors les propriétaires arriveront-ils à faire leurs frais ? Ou encore à protéger la valeur de leurs investissements dans l’obtention d’une franchise qui vaut des millions?

Peut-être faut-il faire comme pour le reste des problèmes majeurs de la société québécoise? Ne rien faire.

Dans ce cas, ce soir, allez demander un autographe à Samuel Montembeault. Il va être dans les estrades. Ça va peut-être valoir cher quand il n’y aura plus personne chez les grands.