Les mots claquent. 17 ans.
Mourir à Cancun à 17 ans. En plein après-midi, sous un soleil de plomb dans un condo partagé avec sa mère.
17 ans. Mort. Les rumeurs les plus folles circulent. Le pire, c’est que certaines peuvent être fondées. Certaines peuvent être vraies. Certaines ne sont même pas dignes des pires complotistes.
Mais 17 ans, jeune, beau, talentueux, ça, c’est vrai. C’est les faits.
17 ans, mort dans des circonstances suspectes, ça aussi c’est fondé. C’est les faits.
17 ans, l’après-midi dans un condo à Cancun, la ville balnéaire et touristique par excellence du Mexique, c’est évident que c’est suspect. On ne meurt pas à 2 heures de l’après-midi dans le condo de sa mère. Si on meurt, c’est que quelque chose d’anormal s’est passé.
Photo: Hindustan Times – Arturo Gatti Jr
Et quelque chose d’anormal s’est passé. Les mots suicide, surdoses ont circulé. Des anciens proches d’Arturo Gatti père ont mis des phrases déchirantes sur les réseaux sociaux. Mais tant que les autorités mexicaines ou la famille n’auront pas confirmé les circonstances de cette mort tragique, on va se garder une petite gêne.
C’est déjà assez douloureux comme ça. Juste la mort à 17 ans est suffisamment cruelle sans qu’on se gargarise avec des suppositions. On va savoir bientôt, on finit toujours par savoir.
17 ans. Il parlait français, italien, anglais, espagnol et portugais. Et il est mort. Avec 75 ans de vie devant lui qui l’attendait.
Des après-midis chez Rival
C’est Laurent Poulin de Boxingtown qui m’a appris la nouvelle à 7 heures hier matin. Laurent avait la voix blanche. Il parlait de quelque chose d’horrible. Il m’a demandé si on pouvait vérifier.
Deux heures plus tard, Mathieu Boulay confirmait l’histoire. L’ironie a voulu que ce soit l’ancien chroniqueur de boxe qui publie l’histoire dans le site du Journal.
Photo: Yanik Maltais – Arturo Gatti Jr et Matt Casavant
Mais déjà dans la nuit, Jérémy Filosa de Cogeco était au courant. Filo était un ami proche d’Arturo le père et son suicide avait bouleversé Filosa à l’époque. Que son fils meurt dans des circonstances troubles l’a profondément troublé. Toute la soirée, Filo a rejoint ses contacts, même des enquêteurs du FBI à Chicago, pour en savoir plus. Hier, il était encore perturbé.
Matt Casavant, l’analyste des galas de boxe présentés à Punching Grace est également directeur général chez Rival, la compagnie de fabrication d’équipements de boxe et de gants Rival vendus et distribués dans des dizaines de pays dans le monde.
Son patron et modèle est Russ Anber. Casavant aime également agir comme « cutman » dans les gymnases de boxe. Une façon d’aller encore plus loin dans la connaissance de la boxe.
Casavant était le cutman du jeune Arturo au Gym 83 où il s’entraînait à Montréal.
Photo: Yanik Maltais – Russ Anber et Arturo Gatti Jr
Hier, Casavant avait le cœur gros. Ces dernières années, le jeune Arturo, encore un gamin quand il a commencé à le faire, se rendait chez Rival après l’école. Il s’installait dans un des bureaux de l’entreprise pour faire ses devoirs :
« C’était un bon garçon. On pouvait se douter qu’il avait besoin d’encadrement mais il était gentil comme tout avec nous. Il demandait souvent à Russ de lui raconter des histoires de boxe. Il adorait qu’on lui conte l’histoire de son sport », me disait Matt Casavant hier.
La vie d’Arturo Gatti le père
Je n’ai pu rejoindre Jacques Pothier, l’auteur de la biographie d’Arturo Gatti. Le dernier round. Pothier est natif de Jonquière et en digne Bleuet, il a travaillé cent fois plus que la paye promettait d’être, pour écrire cette biographie. C’est magique. Et douloureux. Il fouille dans l’âme torturée de Gatti et de ses crises de délire avant sa mort. Ses problèmes d’alcool et de dope sont documentés. Une lecture poignante. Amanda Rodrigues, sa femme et la mère d’Arturo fils, est celle qui a trouvé le corps de son mari.
Photo: La biographie d’Arturo Gatti écrite par Jacques Pothier
C’est elle qui a trouvé le corps de son garçon.
Quand on parle de destin cruel, trouvez-moi donc pire que ça ?
La boxe est un sport difficile. Le plus dur qui soit. Il n’y a pas d’ailier gauche pour aller te chercher le puck. Il n’y a pas de gardien de but pour te sauver la peau si tu commets une erreur.
La boxe oblige le courage absolu. La boxe oblige la concentration totale. Sans faille. La boxe oblige l’oubli de soi. David Lemieux m’a déjà dit un jour avant un gros combat qui l’attendait :
« Penses-tu que c’est le fun de recevoir un coup de poing sur la gueule ? » Et c’était David Lemieux.
J’ai couvert le combat de championnat du monde entre Arturo Gatti et Leonard Dorin à Washington. Gatti avait été trop fort.
Mais je ne saurai jamais comment il a pris soin de lui après le combat.
J’aime écrire cette chronique. À tous les jours. Une des raisons n’a rien à voir avec l’écriture.
J’aime voir que Christian Mbilli a déjà quelques immeubles à logements au Québec. J’aime que David Lemieux ait une belle maison et une belle famille. J’aime savoir que Steven Butler a sa maison. Qu’Erik Bazinyan élève sa petite famille dans sa maison. J’aime que Lexson Mathieu et ses frères réussissent en affaires. J’aime que Simon Kean ait son condo…
Photo: Arturo Gatti Jr et son père
J’aime qu’on entoure et qu’on conseille tous ces boxeurs qui mettent leur vie sur la ligne quand ils montent dans un ring.
C’est encore plus important qu’une ceinture…