J’ai passé ma vie à côtoyer des docteurs. J’avais douze ans et j’étais un peu boulotte quand le docteur Maurice Tremblay m’a mis au régime.
Après, jeune, grand et mince, j’ai sorti trois soirs avec Roxanne Boivin, la fille du… docteur Boivin, devenu par la suite ministre de la Santé dans l’Union Nationale. Ça ne s’invente pas.
Quand j’ai commencé dans le sport avec le Canadien après six mois rock and roll passés aux faits divers de nuit à La Presse, j’ai connu le docteur Doug Kinnear qui m’a soigné une grippe en me conseillant de boire beaucoup d’eau, le docteur Claude Clément qui m’a fait découvrir l’opéra et le docteur Éric Lenczner qui m’a fait une arthroscopie à un genou entre deux matchs du Canadien.
Plus tard, c’est un super bollé Alain Cirkovic, qui m’a remplacé mes deux genoux. Et confidentiellement, y a au moins deux joueurs du CH qui m’ont demandé son numéro pour une deuxième expertise.
C’est Cirkovic qui m’a remplacé une hanche et c’est le docteur Marc Beauchamp, le frère de Donald, qui m’a sauvé l’épaule gauche.

Photo: Jean Béliveau et Doug Kinnear
À Riyad, je l’ai déjà raconté, je délirais le lundi tellement l’infection urinaire qui s’était aggravée pendant le voyage, était épouvantable. Vous allez me dire que j’ai eu des matins aussi délirants que ce matin-là avec Paul Houde, je vous dirai qu’au moins je me rendais compte que je disais des niaiseries.
C’est le doc Maxime Lamirande de Trois-Rivières, le médecin de Simon Kean qui m’a regardé dans le coffee-shop de l’hôtel en fin d’après-midi en disant : « Je te trouve une clinique ou tu rentres à l’hôpital. Tu peux mourir si on ne fait rien ».
Le doc et Virginie m’ont conduit dans une clinique à Riyad. La carte de crédit a fait office de carte soleil, j’ai subi tous les tests en moins de 30 minutes, j’ai eu les résultats parce que les laboratoires étaient dans les mêmes bureaux et le jeudi matin, j’étais sur pied.
Si les Caquistes ne cessent pas d’écœurer les médecins, c’est à Riyad ou à Dubaï que Maxime va s’en aller. Y a déjà les contacts.
Avant, aux Jeux Olympiques de Sotchi, j’avais le dos en compote. C’est le docteur Nicolas Sauvé, médecin avec la délégation olympique, qui m’a recrinqué.

Photo: Vincent Ethier – Camille Estephan, Maxime Lamirande, Thomas Chabot et François Duguay
Aux Jeux de Londres, la femme de ménage a jeté les Pradaxa que je gardais dans un verre sur ma table de travail à l’hôtel. J’ai appelé le docteur Sestier, cardiologue de mes amis, qui a dit de sa voix rassurante: «Tu es mieux de prendre une heure d’effort pour trouver des Pradaxa que de consacrer le reste de ta vie à lutter contre les résultats d’un ACV», m’a-t-il dit… pour ne pas m’inquiéter.
Nicolas Sauvé ou un autre de la délégation canadienne a trouvé un hôpital à Londres où on avait du Pradaxa… pas encore homologué en Grande Bretagne.
J’y suis allé. C’était propre, tranquille. On m’a dirigé à l’urgence. La seule personne que j’ai rencontrée est un concierge qui cirait le plancher d’un couloir.
À l’urgence, faut croire que les Anglais ne sont jamais malades, il n’y avait que trois ou quatre personnes. En trois minutes, on m’a fait venir à un guichet: «Vous êtes le Canadien qui a besoin de Pradaxa?». On m’a donné les cachets nécessaires pour terminer mon séjour pour le Journal, j’ai voulu payer en me disant que Pierre-Karl serait content de m’avoir sauvé la santé…
Pantoute. C’était gratos. Une courtoisie envers un chroniqueur qui laissait traîner ses pilules partout…
Plus tard, c’est Peter Guerra et Marc Dubuc, deux des plus grands spécialistes en arythmie en Amérique, qui m’ont opéré au cœur.
Un, contrairement à ce que pensent les fefans, ils l’ont trouvé facilement.
Et deux, exactement quatorze jours plus tard, j’étais assis sur un Harley à Chicago en direction de Los Angeles via la Route 66.

Photo: Montreal General Hospital Foundation – Serge Savard et David Muller
Quand j’ai eu besoin d’un spécialiste pour me dire comment faire mourir Suzie Lambert à la fin de Lance et Compte, c’est Peter Guerra qui a fait le plan de guerre. Marina est morte d’arythmie.
Quand j’ai écrit Urgence avec Fabienne Larouche, c’est le grand Daniel Doyle qui m’a invité à l’Institut de cardiologie de Québec à assister à ses côtés, à une opération à cœur ouvert.
Quand le cœur du patient a cessé de battre, qu’il l’a pris dans ses mains et que c’est la machine qui sert de cœur artificiel qui a pris le relais, Daniel a juste dit: «Techniquement, si on est très religieux, l’âme doit flotter dans la pièce». Lui et son confrère ont rafistolé le cœur, ont cousu des veines qui servaient de pontages et quand tout a été terminé, ils ont débranché la machine, le sang est revenu vers le cœur… et il est reparti.
Vous pensez que c’est une police de la Santé qui va appeler Christian Dubé pour donner le signal du débranchement?
Quand Pierre Lambert, dans la première saison de Lance et Compte, se blesse au genou, j’avais besoin d’une blessure qui guérirait bien. C’est le doc Pierre Beauchemin des Nordiques qui m’a expliqué quoi faire…

Photo: Artur Beterbiev et Doc Mailloux
Martin Lapointe, qui a si bien soigné Julie l’été dernier, était urgentologue à Sacré-Cœur quand on a écrit Urgence. C’est un formidable médecin qui consacre toutes ses énergies à sa profession et à l’écriture.
Je ne parle pas des doc Chantal Lévesque, Denis Hamel, le cardiologue à Sacré-Cœur…
Ni des psychiatres, comme le Doc Mailloux, qui n’ont que la parole et le temps pour pénétrer l’âme malade des patients. Ni de Claude Fortin, le gynécologue si passionné de sa profession. Ni de Louis-René Bélanger qui change un genou les yeux bandés. Ni de la doc Dominique Rouleau qui va peut-être devoir me retaper l’épaule.
Et les doc Meunier et Francis Fontaine à la boxe. Si dévoués.

Photo: Marc Ramsay / IG – Christian Mbilli et Francis Fontaine
Je sais, vous avez le droit de le dire, j’ai été privilégié. Mes deux professions de journaliste et d’auteur m’ont permis de discuter et de connaître des dizaines de médecins. Incluant le doc Pierre Bédard qui m’a transplanté un dessus de tête.
Ce que je veux dire, c’est que chacun de ces hommes ou de ces femmes œuvre avec passion. Que tous, depuis des décennies, sont ulcérés devant l’état du système de santé. Ils perdent un temps précieux à remplir de la paperasse, ils doivent annuler des chirurgies cruciales parce que les salles d’opérations ne sont pas nettoyées par manque de personnel. Ils côtoient des infirmières à bout de souffle, épuisées et vaillantes. Des préposés dont on abuse.
Le gouvernement s’est trouvé une cible facile. Au Québec, à part un joueur du Canadien, on est toujours jaloux de voir qu’un professionnel gagne une couple de cent mille. Faut qu’il soit coupable. Faut qu’il saigne!
Réalisez-vous que l’Union Soviétique gardait ses médecins sous-payés en érigeant un Rideau de Fer?
La CAQ érige quoi au fait? Un Rideau d’amendes?

Photo: Elite Prospects – Patrik Laine
Bah! Tant qu’il restera assez de docteurs pour soigner les joueurs du Canadien et opérer Patrik Laine, les médecins peuvent crever, le monde va être content.