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Mbilli-Góngora: ces gladiateurs des temps modernes

Noé Cloutier - Punching Grace

Photo : Vincent Ethier – «N’êtes-vous pas divertis?» 

Le duel entre Christian Mbilli et Carlos Góngora était promis à être un «combat cinq étoiles», prédiction basée sur le système de points du site BoxRec. Le soir venu, au Casino de Montréal, c’est bien plus que des étoiles qui ont été offertes ; on a eu droit au pain, aux jeux, à cette fascinante violence promise et aux frissons qui viennent avec.

«It was one of the best fights I’ve seen in my life!, a lancé un Lou DiBella ébahi, malgré la défaite de son poulain, l’Équatorien Góngora, par décision unanime. Now, I’m a huge fan of this kid!», a-t-il ajouté, sans malice ni amertume, en parlant du guerrier adverse et victorieux, Christian Mbilli.

Tout de même, le fait qu’il s’agisse d’un des «meilleurs combats» que le promoteur new-yorkais ait vus de sa vie est lourd de sens. On parle de quelqu’un qui a été introduit au Temple de la Renommée de la boxe en 2022, un gars qui en a vu d’autres, mais pourtant, rien qui décrirait parfaitement ce qu’il a vu jeudi soir sur l’île Sainte-Hélène.

Le 8e round

Ce que DiBella et les spectateurs ont ressenti, c’était cependant incomparable à ce que les deux boxeurs, princes de la guerre et gladiateurs des temps modernes ont dû endurer. C’est un peu hâtif d’annoncer un combat de l’année en mars, mais totalement justifié d’au moins fermer les livres pour ce qui est du round de l’année ; LE 8e assaut.

«Vous savez, quand vous dédiez votre vie autant que moi à votre carrière, vous n’avez pas droit à l’erreur. À ce 8e round, j’ai vu mon travail, j’ai vu mes heures de souffrance à l’entraînement et j’ai vu mes objectifs. Je me suis dit ‘si tu ne survis pas à ce round, t’as rien à faire là’… C’est là que je suis allé chercher mes cojones pour me dire ‘non, aujourd’hui, il ne me fait pas mal, je suis plus fort que lui’», a raconté Mbilli, surnommé «Solide» pour une raison.

«Je suis admiratif, fasciné, de tous les types de courage […]. Aujourd’hui, je pense que je suis quelqu’un d’assez courageux. J’ai immigré ici, au Canada, et laissé ma famille en France. Encore une fois, à ce 8e round, j’ai pensé à ça, je n’avais pas le droit à l’erreur… pas le droit de tomber aujourd’hui. C’était ça le chemin, c’était la victoire, un point c’est tout», a-t-il ajouté, non pas sans lever son chapeau à Góngora.

Après son combat, d’ici quelques jours, lorsqu’il rentrera chez lui, en Amérique latine, il pourra quitter Montréal avec la tête aussi haute que son avion l’emportera…

Ambiance fusionnelle

Dès le premier engagement, il ne fallut que quelques secondes avant que le round d’étude «prenne le bord», pour citer un grand blogueur de Rosemont. Au bout de son siège du début à la fin, l’assistance ne se privait pas de scander des «Mbilli» biens soutenus pour donner de l’énergie à son favori.

«Ça aurait sans doute été plus difficile sans eux […], j’aimerais vraiment les remercier», a témoigné le Canado-Franco-Camerounais, reconnaissant.

En à peine plus de trois mois, le charismatique cogneur aura fait lever la foule de Nantes, puis celle de Montréal. Semblerait-il que le Québec et la France n’ont pas été en telle communion depuis que Charles de Gaulle a lancé «Vive le Québec libre!» en ‘67. Est-ce que quelqu’un a vécu les deux événements? Bonne question. Réjean Tremblay a quand même couvert les funérailles d’Elvis, mais ça, c’était en ‘77.

Montagnes russes d’émotions

Si Christian Mbilli n’a jamais douté, les membres de son équipe eux, en voyant une telle guerre, ont eu droit à quelques sueurs froides et à tout l’arsenal d’émotions les accompagnant. Parlez-en à son promoteur.

«Moi, j’étais émotionnellement investi, alors c’était clairement encore beaucoup plus exagéré dans ma tête, a dépeint Camille Estephan, fier de son boxeur. C’est le cœur qu’il a démontré. Un gars qui se fait mal comme ça, qui continue d’attaquer, qui n’arrête pas et qui ne recule jamais […], il a vraiment un moteur de motivation en lui, quelque chose que je n’ai jamais vu», a décrit le fondateur d’Eye of the Tiger.

Encore plus près de l’action, dans le coin de «Solide», lorsqu’un membre des médias a questionné Marc Ramsay sur ce qui lui passait par la tête au 8e round et dans le combat, l’introduction de sa réponse était brève, mais ô combien significative : «Ahh’ plein d’affaires..!»

Pour quelques dollars de plus

Dans tous ces témoignages, on sentait d’abord la satisfaction du travail accompli, et ce, contre un boxeur «élite». On sentait aussi que la pression descendait. D’ailleurs, on la sentait déjà diminuer lorsque la dernière cloche s’est fait entendre à la fin du 10e round, car une fois à la décision des juges, le verdict était clair. Parmi les scores ; un 97-93, un 98-92 et un 99-91. Le dernier est un peu généreux, selon la plupart des observateurs, mais pas de vaudeville, le gagnant fut le bon, alors tout le monde se coucha en paix.

En tombée de rideaux, les spectateurs étaient unanimes sur une chose, sans ordre précis, Mbilli-Góngora est l’un des meilleurs combats que le Québec ait accueillis. Dans la liste, il y a sans doute aussi ‘The Brawl in Montréal’, disputé entre Sugar Ray Leonard et Roberto Duran, le tout devant des milliers de personnes au Stade olympique en ‘80.

Plus de 40 ans plus tard, la foule était de nouveau en délire, il «fallait» y être, mais trop peu ont eu cette chance, alors que la capacité était limitée à environ 600 personnes. Au moins, il y avait le service de diffusion Punching Grace qui, pour une poignée de dollars (onze pour être exact), diffusait le gala. À ce prix, après avoir vu Mbilli ferrailler contre Góngora, les téléspectateurs devaient se demander où laisser le pourboire…

Que cette soirée en soit la preuve, avec «Mbilli» à sa charge, la boxe québécoise est entre bonnes mains. Car au final, une fois minuit trente sonné, le dernier métro de passé et l’arène démontée, le rêve de Stade olympique de Camille Estephan semblait maintenant un peu moins fou.

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