Photo : Vincent Ethier – À l’aube de son retour devant les siens, le 13 janvier prochain, Wilkens Mathieu fait le bilan de son année recrue.
C’est sans doute l’un des plus vieux clichés du sport, mais le succès ne vient pas sans sacrifice. À peine âgé de 16 ans, Wilkens Mathieu décidait de quitter son patelin pour parfaire sa boxe et éventuellement passer chez les professionnels dans la métropole montréalaise. Trois ans plus tard, le 13 janvier prochain, la fierté de Québec sera de retour dans la Capitale-Nationale, et ce, sur sa plus grande scène au Centre Vidéotron.
« Depuis que j’ai commencé ma carrière pro’, j’avais hâte de boxer à Québec, puis là ça tombe sur un merveilleux gala, oui à Québec, mais international. Il va y avoir de gros combats, des titres en jeu et beaucoup de visibilité, alors je ne peux pas demander mieux », témoigne celui qui soufflera ses 19 bougies dans les jours précédant son combat.
En final de ce gala, Artur Beterbiev défendra sa triple couronne des mi-lourds face à son aspirant obligatoire Callum Smith. Plusieurs croient que sera la plus importante carte de boxe présentée au Québec dans la dernière décennie, remontant au duel Pascal-Bute, en janvier 2014. Wilkens Mathieu n’avait que neuf ans à l’époque, mais comme la vie fait bien les choses, il pourra prendre part à cette renaissance, 10 ans plus tard, fort d’une expérience d’à peine plus de 10 mois dans les rangs payants.
La main heureuse
En février dernier, l’aventure débutait pour le plus jeune protégé d’EOTTM. Quelques semaines après avoir eu 18 ans, il profitait de son statut d’adulte pour aller au Casino de Montréal, non pas pour les machines à sous, mais bien pour miser sur lui-même en effectuant ses débuts professionnels. Cette première main, il l’emporta haut la main, s’imposant avec succès face à Zsolt Birkas, et ce, dès le premier round.
Géographiquement, ce sera un peu l’histoire de son année recrue. Dans les mois qui suivront, Wilkens Mathieu deviendra la mise la plus sûre du parc Jean Drapeau, où il boxera à quatre autres reprises, concluant son calendrier 2022 avec une fiche parfaite de 5-0, 3 K.-O. L’expérience et la visibilité qu’il y a acquises, toutefois, vont bien au-delà des frontières de l’île Sainte-Hélène.
« EOTTM a fait exactement ce qu’ils avaient promis. Ils m’ont gardé actif et j’ai eu une belle visibilité en me battant sur ESPN+ et TVA Sports, alors ça s’est passé exactement comme prévu et je suis très content », commente l’athlète, disant aussi vouloir garder le même niveau d’activité en 2024, et ce, même si ses combats ne seront plus prévus pour quatre rounds.
Lumière et pression
Évidemment, personne n’était surpris de voir Wilkens Mathieu connaître du succès. Depuis quelques années, le bruit court qu’il possède tout le talent du monde et certains disent même qu’il est le meilleur espoir natif du Québec depuis un certain Jean Pascal. La pression qui vient avec le fait de devenir champion, mais encore un grand champion, elle n’est pas faite pour tout le monde. Cela, Wilkens Mathieu n’est pas comme tout le monde.
« La pression, il y en a et c’est normal quand tu as beaucoup de lumière sur toi et que tu veux accomplir de grandes choses. Tu ne peux pas t’en sauver, alors tu peux vraiment juste l’accepter pour avancer au travers », décrit le plus jeune des frères Mathieu, famille dont l’aîné, Lexson, a eu droit à un traitement similaire, il a quelques années de cela, avant de quitter le monde boxe au profit de celui de la finance.
L’évolution montréalaise
De toute façon, Wilkens Mathieu est bien souvent sa plus sévère critique. En entrevue, après ses combats, s’il n’est pas satisfait de ses performances, il sera le premier à le dire. C’est un peu comme son déménagement de Québec à Montréal en fait, une décision que lui seul s’est imposé pour continuer « d’évoluer » en tant que boxeur. Cette évolution, elle était palpable cette année, d’un combat à l’autre, alors que chaque sortie offrait un Wilkens 2.0 aux spectateurs.
« Je suis devenu beaucoup plus mature dans ma façon de boxer. On passe des amateurs aux pros’, c’est vraiment différent, parce que les gants sont plus petits et donc les coups plus significatifs. Ce qu’on a travaillé, d’être plus patient dans le ring, choisir mes coups et vraiment, de mieux dicter mon rythme », explique celui qui s’entraîne à l’annexe du Gym Underdog sous la supervision de Mike Moffa.
À l’école mexicaine
La prochaine étape de cette évolution se fera le 13 janvier, alors qu’il affrontera Jose Arias Alvarez (3-1, 1 K.O.). « La Fiera » n’a peut-être que quatre combats, mais offre un profil intéressant. Il possède notamment avec deux victoires face à des boxeurs invaincus et sa seule défaite était une décision de quatre rounds des mains du Montréalais Alexandre Leng (4-0, 1 K.-O.) en octobre dernier au MTelus. Autre fait intéressant : à 39 ans, Alvarez sera 20 ans plus vieux que Mathieu lors de leur duel.
Encore à ce jour, semble toujours y avoir un certain préjugé envers les boxeurs mexicains qu’on voit souvent s’amener au Québec pour affronter les espoirs d’ici. C’est que concrètement, il n’y a donc pas meilleur endroit que l’école mexicaine pour goûter à tous les styles… et donc progresser.
« Personnellement, je trouve ça plus facile d’affronter un boxeur d’Europe, parce que même s’il est meilleur, ils ont un style plus classique qui est donc plus facile à solutionner. Les Mexicains, ils ont un style moins orthodoxe et des fois ils font un peu n’importe quoi pour se battre, alors tu ne sais jamais à quoi t’attendre », explique-t-il.
Par ailleurs, cette science n’a pas été établie qu’au Québec. L’un des boxeurs de l’heure, l’Américain Devin Haney (31-0, 15 K.-O.) en est un bon exemple, lui qui a affronté 13 Mexicains à ses 17 premiers combats. Le reste de l’histoire nous raconte que « The Dream » s’en est ensuite plutôt bien sorti…
Célébration tout autre
Ainsi, exactement 11 mois et 11 jours après avoir foulé les marches d’un ring de boxe professionnelle pour première fois, le boxeur droitier tentera de mettre un point d’exclamation à son année recrue vainquant Alvarez, voir même à devenir le premier à l’arrêter. Ce sera donc une occasion de célébrer le retour de la boxe québécoise sur la plus grande scène, mais aussi de célébrer le retour du fils de Québec, dont l’anniversaire a lieu quelques jours plus tôt, le 4 janvier.
« Pas nécessairement moi, mais je pense que c’est un bon moment pour célébrer tout le monde qui m’a aidé depuis début et qui ne peux pas toujours se rendre à Montréal pour me voir boxer », note-t-il humblement.
Ce n’est pas rien quand même, célébrer ses 19 ans en plein milieu du Centre Vidéotron. Ça fait changement des bars, lieux plus traditionnels dans de telles circonstances. N’espérez toutefois pas le croiser au Dagobert en fin de soirée, il aime « avoir du fun », mais n’est pas pour autant un « gars de party ». Alors après un bon restaurant – sa deuxième passion après la boxe – le jeune tigre se remettra au boulot. De toute façon, pas le temps trop célébrer, l’histoire de Wilkens Mathieu ne fait que commencer et avec son introduction d’écrite, sur le ring, le chapitre suivant est toujours le plus important.