Je suis un fervent défenseur de la boxe féminine. Je crois profondément à son avenir et à sa valeur.
Mais il faut être honnête: la boxe, c’est un sport qui met en lumière ses grandeurs… et ses inégalités.
Aujourd’hui, je veux ouvrir une discussion sur l’équité entre les sexes. Pas pour imposer une vérité absolue (car je ne la connais pas), mais pour lancer un débat et chercher à comprendre ensemble.
Les millionnaires du ring: que le sommet d’une grande pyramide?
On aime parler des cachets mirobolants des boxeurs: ces chèques qui font rêver. Mais si on regarde les chiffres de près, la réalité est beaucoup moins glamour. Sur 28 000 boxeurs masculins répertoriés, à peine 30 touchent des bourses millionnaires. Du côté féminin, elles sont seulement 3 sur 2 500.
Photo: Vincent Ethier – Leila Beaudoin
L’écart paraît énorme, mais en proportion, la différence est moins choquante qu’on le croit: 0,1% des hommes contre 0,12% des femmes. Le sommet de la pyramide est si étroit que, finalement, peu importe le sexe, seuls quelques élus en profitent.
Ce que ça montre, c’est que la véritable fracture n’est pas seulement entre hommes et femmes… mais entre l’élite et le reste du monde. Le sommet de la pyramide est infiniment petit, et ceux qui y parviennent, hommes ou femmes, sont rarissimes.
L’offre et la demande: la loi du marché!
La boxe est un sport, mais elle est aussi une industrie. Et comme toute industrie, elle obéit à une règle simple: l’offre et la demande. Plus un combat vend de billets, attire de téléspectateurs et génère de revenus, plus les pugilistes sont payés.
Ce qu’on vend, ce n’est pas uniquement du sport, mais du spectacle. Les KO, les rivalités, les histoires personnelles, le charisme, tout ça attire les foules. Et oui, l’image physique joue aussi un rôle. Ce n’est pas propre aux femmes: chez les hommes aussi, la beauté, la carrure, le style, le charisme créent de l’engouement. C’est toujours plus agréable de voir une personne qui dégage quelque chose performer. La boxe, c’est du talent, mais aussi une vitrine.
Photo: ESPN – Claressa Shields
Et c’est ce qui explique, par exemple, pourquoi les poids lourds attirent plus d’attention que les petites catégories. Voir un géant de deux mètres s’écrouler, ça impressionne. Le spectacle se monnaye, et ceux qui le produisent engrangent les plus gros chèques.
Les deux minutes: une règle née de la science?
Un autre point qui revient souvent, c’est la durée des rounds: deux minutes pour les femmes, trois minutes pour les hommes. Beaucoup y voient une injustice. Mais cette règle n’est pas sortie de nulle part. Elle repose sur plusieurs études scientifiques qui montrent que les femmes sont plus vulnérables aux commotions, en raison de différences anatomiques, hormonales et neurologiques (voir références ci-dessous).
Il faut donc comprendre ce choix comme une mesure de sécurité, et non comme une limitation injustifiée. Cependant, il faut aussi rappeler que les combats féminins présentent un taux de KO significativement plus faible que ceux des hommes. Cela change la dynamique : moins de KO ne signifie pas moins de spectacle, mais bien un style différent, souvent basé sur le volume de coups, la technique et l’endurance.
Photo: The Guardian – Amanda Serrano VS Heather Hardy
Mais je me pose une autre question: et si ces rounds de deux minutes n’étaient pas une faiblesse, mais une force? Deux minutes, c’est court, intense, explosif. Pas de temps à perdre, il faut donner le meilleur de soi, tout de suite. Ça crée une urgence, ça garde l’action vive, ça électrise le public.
Trois minutes? Oui, ça augmente les chances de KO. D’ailleurs, l’histoire le prouve : quand la boxe olympique a évolué de formats plus courts (comme 5×2 minutes ou 4×2 minutes) vers le format actuel de 3×3 minutes, on a vu le taux de KO et de stoppages techniques grimper en flèche. Plus le round est long, plus la fatigue s’installe. La vitesse de réaction chute, la défense devient moins efficace… et les frappes décisives trouvent leur cible.
Mais est-ce toujours une bonne chose? Plus de KO, oui. Mais aussi plus de gestion, plus d’attente, parfois moins de spectacle. À mes yeux, les rounds de deux minutes offrent un produit plus excitant. Et si ce format devenait la norme pour tout le monde, hommes comme femmes?
Photo: World Boxing Association – Mikaela Mayer VS Sandy Ryan
Un combat d’idées
L’équité en boxe n’est pas une équation simple. Les salaires, la visibilité, la sécurité, l’image: tout est lié à la loi du marché et aux attentes du public. Mais une chose est sûre: la boxe féminine grandit, et elle mérite de prendre toute la place qui lui revient.
Je n’ai pas toutes les réponses. Mais je veux poser la question. Parce que la boxe, ce n’est pas seulement un sport de coups de poing, c’est aussi un sport d’idées, où chaque débat peut faire évoluer notre discipline.
Alors je vous la pose: et vous, qu’est-ce que vous voulez voir sur ce ring?
Photo: Sportscasting – Katie Taylor
Quelques références scientifiques
Bretzin AC, Covassin T, Wiebe DJ, Stewart W. Association of Sex with Adolescent Soccer Concussion Incidence and Characteristics.
Solomito MJ, Reuman H, Wang DH. Sex Differences in Concussion: A Review of Brain Anatomy, Function, and Biomechanical Response to Impact. Brain Injury.
La Fountaine MF, Hill-Lombardi V, Hohn AN, Leahy CL, Testa AJ. Preliminary Evidence for a Window of Increased Vulnerability to Sustain a Concussion in Females: A Brief Report. Frontiers in Neurology.
Snook ML, Henry LC, Sanfilippo JS, Zeleznik AJ, Kontos AP. Association of Concussion with Abnormal Menstrual Patterns in Adolescent and Young Women.
Biegon A. Considering Biological Sex in Traumatic Brain Injury. Frontiers in Neurology.
Brown DA, Elsass JA, Miller AJ, Reed LE, Reneker JC. Differences in Symptom Reporting Between Males and Females at Baseline and After a Sports-Related Concussion: A Systematic Review and Meta-Analysis. Sports Medicine (Auckland, N.Z.).
Covassin T, Savage JL, Bretzin AC, Fox ME. Sex Differences in Sport-Related Concussion Long-Term Outcomes. International Journal of Psychophysiology.