Dans l’arène des sports de combat, Dana White est un personnage plus grand que nature. Tête rasée, verbe tranchant, posture de général en chef : il a transformé le MMA en un empire mondial, l’UFC. On peut l’aimer ou le détester, mais impossible de l’ignorer. Et voilà qu’il lorgne maintenant vers la boxe, comme un conquérant prêt à s’emparer d’un nouveau territoire.
Sur papier, l’idée peut en séduire quelques-uns et en effrayer d’autres. La boxe souffre de ses travers : combats trop longs à organiser, ceintures multiples, promoteurs rivaux qui refusent de collaborer. L’arrivée d’un patron au style bulldozer pourrait secouer les colonnes du temple. Mais entre l’intention et la réalité, il y a une distance que Dana White n’a pas encore franchie.
Le mirage de l’UFC appliqué à la boxe
L’UFC a prospéré grâce à une idée simple : centraliser. Une seule organisation, un seul patron, des contrats serrés. Résultat : les combats se font, les athlètes deviennent des vedettes, et le public suit. Mais ce modèle a aussi ses zones d’ombres : salaires critiqués, liberté des combattants réduite à presque rien, pouvoir absolu concentré entre les mains d’un seul homme.
Photo: YouTube – Dana White
En boxe, ce système ne s’implante pas si facilement. Ici, les boxeurs négocient leurs bourses avec plus de latitude, les promoteurs s’affrontent mais coexistent, et les carrières appartiennent aux athlètes plus qu’à une ligue. Dana White ne peut pas simplement imposer le moule UFC à un sport qui, malgré ses failles, repose sur une pluralité d’acteurs.
La crédibilité sur la corde raide
Depuis des années, Dana White promet sa grande incursion dans la boxe : d’abord sous le nom de Zuffa Boxing, puis au détour d’entrevues enflammées où il jure qu’il va « réparer » le noble art. Pourtant, rien de concret n’a encore vu le jour.
Et ce manque de crédibilité est accentué par l’image qu’il projette lui-même : on l’a déjà vu miser des milliers de dollars au baccarat, alors que plusieurs de ses propres combattants à l’UFC peinent à toucher le dixième de ces mises faramineuses. Ce contraste alimente l’idée d’un patron flamboyant qui joue gros pour lui-même, mais qui ne partage pas toujours équitablement les richesses générées par son organisation.
Photo: Sports Illustrated – Callum Walsh
Le contraste est frappant : White sait mettre en scène, mais derrière la fumée et les projecteurs, la boxe attend toujours son plan d’action réel. Pour l’instant, ce sont des annonces sans lendemain.
Un potentiel indéniable
Ne soyons pas dupes, la boxe pourrait bénéficier d’un Dana White. Sa force médiatique, sa capacité à raconter des histoires, à produire des événements spectaculaires, pourraient donner un souffle nouveau à un sport qui cherche à séduire une nouvelle génération. La boxe a besoin de moderniser son emballage sans trahir son essence. Là-dessus, White pourrait être un allié, tout comme Jake Paul sait le faire présentement.
Mais il y a une vérité incontournable : sans partenaire financier solide, comme l’est aujourd’hui Turki Alalshikh, difficile d’imaginer Dana White s’imposer réellement. Car à la fin de la journée, les boxeurs suivront l’argent. Peu importe la qualité de ses concepts ou la force de ses idées, ce sont les bourses qui attirent les talents. Or, pour convaincre les grands noms de traverser vers son projet, White devra disposer de fonds considérables. Sans cet appui, ses ambitions risquent de rester au stade de promesses spectaculaires mais creuses.
Photo: The Sun – Turki Alalshikh
La cloche n’a pas encore sonné
Dana White attire l’attention, et c’est déjà beaucoup. Mais l’attention ne suffit pas : ce sport a besoin de vision, de justice pour ses athlètes et d’une volonté de collaboration entre forces rivales. Si White veut marquer la boxe comme il a marqué le MMA, il devra s’attaquer à ces véritables enjeux.
Et pour passer du rôle de spectateur bruyant à celui de bâtisseur crédible, il devra aussi faire preuve d’humilité. Comprendre que la boxe n’est pas un empire à conquérir, mais une culture à respecter. Les boxeurs ne sont pas des employés d’une ligue : ce sont des artisans de leur carrière, porteurs d’une tradition vieille de plusieurs siècles.
La cloche n’a pas encore sonné. Dana White est dans le coin, gants en main, prêt à entrer. Mais la boxe, elle, ne semble pas encore décidée s’il était invité sur le ring… ou condamné à rester spectateur.
Photo: Premier Boxing Champions – Vito Mielnicki Jr