Il y a plusieurs années, j’écrivais pour un magazine qui s’appelait La Zone de Boxe. Une de mes chroniques s’intitulait «Dans la peau du gérant». Le concept était simple: me glisser dans les souliers d’un gérant de boxeur et tracer, combat après combat, la feuille de route idéale pour faire progresser la carrière d’un athlète québécois.
Aujourd’hui, j’ai envie de raviver cette série. Même mission, même passion: réfléchir à voix haute sur la stratégie derrière le ring.
Et pour ce grand retour, je ne pouvais pas rêver mieux que Arslanbek Makhmudov.
Le Lion
Quand Arslanbek Makhmudov est débarqué au Québec, il était vu comme une force de la nature, un titan aux coups dévastateurs. Ses premières victimes tombaient les unes après les autres, souvent avant même la fin du premier round. Son ascension semblait inévitable, presque programmée. Puis, deux revers sont venus freiner l’élan: des défaites dures, qui ont forcé le géant russe de Montréal à se redéfinir.

Photo: Mark Robinson – Arslanbek Makhmudov vs Dave Allen
Mais les grands boxeurs se mesurent dans l’adversité. Et Makhmudov vient tout juste de le prouver. Il a renoué avec la victoire contre Ricardo Brown, olympien jamaïcain jusque-là invaincu, puis contre Dave Allen, vétéran britannique connu pour son courage et son menton en granit. Deux performances solides, sans trop de flafla, qui confirment que le Lion n’a pas dit son dernier mot.
Le carrefour
Aujourd’hui, à 36 ans, Makhmudov se trouve à la croisée des chemins. Trop fort pour les seconds rôles, pas encore replacé parmi les aspirants directs au titre mondial. Ce moment de transition est crucial. Il doit choisir des combats qui combinent risque, crédibilité et rentabilité.
Et pour ça, il faut regarder du côté de l’Angleterre.

Photo: Anthony Wright – Arslanbek Makhmudov
Pourquoi? Parce que mon ami Laurent Poulin me l’a dit dans son podcast «Laurent s’écoute parler» et aussi parce que le marché britannique adore les poids lourds. Parce que les bourses y sont généreuses et en livres sterling. Et surtout, parce que Makhmudov, avec sa puissance brute et son aura intimidante, y serait vu comme le méchant venu de l’Est, un rôle parfait pour vendre des billets ou de la télévision.
Combat 1: Frazer Clarke
Ancien capitaine de l’équipe olympique britannique, Clarke est un boxeur discipliné, athlétique et technique. Mais son principal défaut, c’est sa résistance. Plusieurs observateurs doutent de sa capacité à encaisser un vrai coup de masse. C’est exactement le genre d’adversaire qui permettrait à Makhmudov de faire une démonstration spectaculaire, tout en gagnant des points de crédibilité auprès du public anglais.
Un duel explosif, probablement court, mais marquant. Le genre de victoire qui relance une machine.

Photo: Boxing News – Frazer Clarke
Combat 2: Deontay Wilder
Ensuite, cap sur les États-Unis.
Un nom qui fait toujours frémir les fans: Deontay Wilder. L’ancien champion du monde reste l’un des frappeurs les plus dangereux de sa génération, mais le temps a passé. Wilder n’est plus l’arme fatale qu’il était.
Ce combat serait un pari à haut risque, certes, mais aussi une occasion en or. Wilder est un gros nom, une vitrine mondiale, et un combat explosif entre deux géants au marteau de Thor attirerait l’attention des grands réseaux américains.
Le scénario est simple: le premier qui touche, gagne. Et si Makhmudov touche le premier… il se replace instantanément parmi les top favoris poids lourds mondiaux.

Photo: The Ring Magazine – Deontay Wilder
Combat 3: Anthony Joshua
Enfin, le combat qui changerait tout: Anthony Joshua.
Le gentleman britannique a connu ses hauts et ses bas, mais il reste un nom magique. Il attire les foules, les caméras, les millions. Pour Makhmudov, ce serait la consécration : une chance de prouver qu’il appartient à l’élite mondiale.
Joshua, bien que puissant et technique, a montré par le passé une certaine vulnérabilité face à la pression et aux coups lourds. Makhmudov aurait ses chances. Ce serait la collision de deux générations : l’ancien champion cherchant à reconquérir sa gloire, contre le colosse qui revient de l’ombre.

Photo: DAZN – Anthony Joshua
Le lion en territoire hostile
Tous ces combats ont un point en commun: ils se dérouleraient en territoire hostile. Makhmudov devrait affronter non seulement ses adversaires, mais aussi les foules anglaises ou américaines, le favoritisme local et la pression des grands événements.
Mais c’est aussi là que les légendes se forgent.
S’il parvient à battre Clarke, Wilder et Joshua, il n’y aura plus de doute possible: Arslanbek Makhmudov sera redevenu un prétendant légitime au titre mondial.
Et, peut-être, le premier poids lourd établi au Québec à s’approcher réellement du sommet.