Photo: Amanda Westcott – Sena Agbeko (28-3, 22 K.-O.), en décembre dernier, face à David Morrell Jr (10-0, 9 K.-O.).
«N’importe où, n’importe qui, n’importe quand».
Dans le monde des sports de combat, plusieurs disent ces mots pour avoir l’air braves, mais la plupart d’entre eux sont plus frileux lorsque le téléphone sonne. Et quand personne ne répond au téléphone, on appelle «L’Assassin Africain», Sena Agbeko.
De 168 à 175 livres, deux boxeurs des plus craints sont David Morrell Jr et Osleys Iglesias. Le premier est le dernier adversaire d’Agbeko, le second est son prochain. Mais comme cela ne s’est pas passé rondement contre Morrell Jr, le combat contre Iglesias arrive comme une chance de rédemption pour Agbeko.
«Iglesias, je le vois comme un combat revanche contre Morrell. Ce sont deux cogneurs, deux Cubains et deux gauchers avec un style similaire. J’ai vu qu’Iglesias l’avait battu chez les amateurs, alors il est peut-être même meilleur. Mais justement, j’ai pris le combat en voulant prouver que je pouvais moi-même faire bien mieux que contre Morrell», nous confie Agbeko, fort de 28 victoires en 31 combats.
La preuve nécessaire
Ça s’est passé au soir du 16 décembre dernier, à Minneapolis. Showtime Boxing diffuse le dernier combat de son histoire: Morrell contre Agbeko pour le titre WBA régulier du Cubain. Désastre: sans jamais chuter, le Ghanéen se fait arrêter en 2 rounds, le dos contre les câbles.
Une remise en question est presque automatique après une telle défaite. Ce qui est plus rare, c’est d’également recevoir un appel du clan de Canelo Alvarez qui l’invite à Truckee, Californie, pour l’avoir comme des partenaires d’entraînement pour se préparer à affronter Jaime Munguia.
Fidèle à sa réputation, «L’Assassin Africain» a répondu présent. C’est à ce moment que sa route vers la rédemption a débuté.
«Ç’a duré 7 semaines et je suis le seul à être resté du début à la fin. Ça m’a redonné confiance, mais surtout démontré que j’avais ma place à ce niveau», relate celui qui a également été partenaire d’entraînement de Christian Mbilli par le passé.
Retour aux sources
Peu de temps après avoir quitté le camp de Canelo, le gérant d’Agbeko l’a appelé pour lui dire qu’un combat contre Caleb Plant serait à l’horizon.
Vous devinerez que «L’Assassin Africain», résidant maintenant Nashville, a tout de suite accepté, mais que Plant a pris une autre direction.
Peu importe, Agbeko était gonflé à bloc et sa route vers la rédemption était déjà entamée. En acceptant ensuite l’offre d’Iglesias, il avait donc déjà une idée fixe d’où il la poursuivrait, pour le camp d’entraînement le plus important de sa carrière…
En Afrique, là où tout a commencé.
C’est de là qu’on l’a rejoint, d’un appel WhatsApp relayant la Rive-Nord de Montréal au petit village de Bukom, dans le district d’Accra, capitale du Ghana. Plusieurs grands champions ghanéens ont émergé de ce village; d’Ike Quartey à Joshua Clottey. C’est aussi là que Sena Agbeko a lacé une paire de gants de boxe pour la première fois, à 16 ans, il y a 16 ans, au gymnase de Suleman Martey Korley.
«C’est un retour aux sources et je ne crois pas qu’il y avait un meilleur moment pour le faire», raconte celui qui avait été sacré champion d’Afrique et du Ghana, en 2011 et 2012.
Un parcours unique
Il a peut-être commencé la boxe sur le tard, à l’aube de ses 17 ans, mais Sena Agbeko apprend vite.
L’enfant savait lire avant même d’entrer à l’école.
L’adolescent a ensuite créé la même magie dès son entrée dans un gymnase de boxe.
Résultat: après quelques années d’études et seulement une poignée en boxe, l’homme avait un diplôme en journalisme et 15 victoires par K.-O. en 15 combats.
Un «naturel», comme on dit.
«J’ai toujours eu une certaine facilité à l’école, alors je cherchais vraiment quelque chose de différent, de terrifiant, pour me sortir de ma zone de confort», se souvient-il.
«Je me voyais devenir analyste sportif, et peut-être que je le serai un jour, mais voilà, j’ai découvert la boxe et aujourd’hui je me prépare à venir au Canada pour affronter Osleys Iglesias», raconte-le ‘road warrior’, ex-champion WBC USA, ayant justement combattu aux quatre coins des États-Unis.
Mais s’il était toujours journaliste, comment analyserait-il le choc à venir entre la Tornade cubaine et l’Assassin d’Afrique?
«Osleys Iglesias est favori et à juste titre. Il a beaucoup de momentum et vient d’arrêter deux très bons boxeurs dès le premier round. Sena Agbeko a toutefois bien plus d’expérience et ça va paraître dans le ring. Il voudra prouver qu’il peut faire mieux qu’à son dernier combat, mais cette fois, il se battra également pour garder sa carrière en vie…»
«Je me battrai pour ça, littéralement, pour garder ma carrière en vie», réaffirme-t-il, sous son vrai chapeau de combattant.
Plus de 12 000 kilomètres séparent Truckee à Accra. Plus de 9 000 séparent Accra et Nashville, où il reviendra au début du mois d’août. Et, plus 2 000 séparent Nashville de Québec, où Sena Agbeko, «L’Assassin Africain», combattra Osleys Iglesias le 17 août prochain, espérant surprendre le monde entier, après l’avoir parcouru.