Photo : Vincent Ethier — Erik Bazinyan (32-0, 23 K.-O.) affrontera finalement Shakeel Phinn (26-3-1, 17 K.-O.) le 2 mai prochain.
Tout dépendant de comment on voit les choses, Erik Bazinyan est soit dans un embouteillage insupportable, soit sur une route pavée d’or qui l’amènera vers une chance au titre mondial.
Bazinyan, dont le combat contre Shakeel Phinn a été reporté du 11 avril au 2 mai après qu’il ait été annoncé qu’il souffrait d’une sinusite, se retrouve dans une position à la fois enviable et peu enviable. Classé n°6 par le Ring Magazine dans la division des super-moyens, Bazinyan fait partie de la file de combattants talentueux attendant derrière le champion incontesté et la vache à lait du sport, Canelo Alvarez.
D’une certaine manière, c’est précisément là où presque tous les combattants vivants voudraient être, dans une position avec non seulement une chance «supérieure à zéro» de décrocher un combat conte Canelo, mais également avec un chemin raisonnable qui pourrait y conduire. Les combattants des catégories de poids plus légères et plus lourdes adoreraient gravir ou descendre l’échelle pour une place dans l’un des combats les plus rentables du sport, et en effet, au fil des années, ils l’ont fait (Jermell Charlo, Amir Khan, etc.).
Bazinyan bénéficie d’un classement exceptionnel de la part de toutes les fédérations, et d’un simple trait de plume pourrait se retrouver dans un combat éliminatoire conçu – en théorie – pour forcer Alvarez à l’affronter.
Mais bien sûr, lorsque vous avez affaire à l’un des combattants les plus riches et puissants du sport (en termes d’influence dans ce cas-ci, mais aussi de capacité de frappe), ce n’est pas aussi simple. Alvarez peut plus ou moins choisir ses adversaires, en utilisant une formule qui prend sans aucun doute en compte la valeur marchande du combat, ce qu’il a à gagner pour lui et la difficulté dudit combat. Alors que les fans de David Benavidez en particulier diraient le contraire, Alvarez s’est généralement affiché tout au long de sa carrière comme un combattant qui n’a pas peur du défi ou du risque, comme cela a été récemment vu dans une tentative peu fructueuse de devenir le premier homme à vaincre Dmitry Bivol. Néanmoins, Alvarez est probablement dans la deuxième moitié de sa carrière et est sélectif, voire mystérieux dans ses choix d’adversaires, savourant apparemment son statut de combattant le plus populaire du sport.
Ses décision provoquent toutefois une impatience croissante au sein du groupe de boxeurs, généralement jeunes et talentueux, qui font la queue devant la caisse, un groupe dont Bazinyan fait partie intégrante.
Deux choses se produisent simultanément chez les super-moyens qui, de manière générale, sont bonnes pour le sport et répondent à la demande des fans espèrent.
1. Il y a un champion incontesté dans la division, alors pas de confusion à savoir qui est le «vrai» champion.
2. Il y a une longue liste de prétendants que les fans et réseaux de télé aimerait bien le voir affronter.
D’une certaine manière, la division reflète aujourd’hui son paysage de 2009, lorsque Showtime a ont organisé le Super Six World Boxing Classic. À cette époque, il y avait une foule d’excellents 168 livres qui n’avaient pas encore atteint le sommet de leurs capacités, notamment Andre Ward, Carl Froch, Andre Dirrell, Allan Green et bien d’autres. En fait, il y avait tellement de talents disponibles que, comme les partisans canadiens le savent et le pensent encore aujourd’hui, Lucian Bute, alors tenant du titre IBF, n’a pas été inclus dans la tranche finale du tournoi, laissant la place à des vétérans comme Mikkel Kessler, Arthur Abraham et finalement Glen Johnson.
La différence était alors que les titres étaient déjà séparés, Froch et Kessler entrant dans le tournoi avec leurs ceintures, alors tout le monde avait à gagner à participer ; soit pour conquérir, soit pour unifier.
En 2024, si vous êtes un super-moyen, un homme détient les clés de la maison, et un plus gros salaire que n’importe quel autre boxeur de sa catégorie de poids puisse imaginer à ce stade de sa carrière. Par conséquence, cela a créé une impasse dans la division, une impasse pendant laquelle les combattants reste actifs, mais évitent souvent de se battre entre eux afin de rester dans la course menant au «Roi Canelo». C’est une approche compréhensible, on ne veut pas risquer la possibilité d’une telle confrontation, mais à mesure que le temps passe, le calendrier d’environ deux fois par an de Canelo exige que le reste de la division adopte une approche différente. Non seulement il est essentiel de rester actif, mais il faut aussi viser des combats plus importants pour se faire remarquer. Bref, avec croissante de talents et une diminution du temps restant au règne de Canelo, des mesures plus drastiques sont nécessaires.
Pendant ce temps, Bazinyan, lui, a fait face à des obstacles supplémentaires en route vers le combat de championnat mondial tant attendu. Il y a eu la perte de son père et les complications liées à son retour dans son Arménie natale, mais aussi eu le défi d’être dans le même camp et sous la même bannière promotionnelle que Christian Mbilli, aspirant n°2 des super-moyens selon le Ring Magazine. S’ils ne partageaient pas le même entraîneur en Marc Ramsay, une confrontation 100% québécoise entre deux des meilleurs super-moyens au monde seraient une évidence, mais hélas, c’est un combat qui ne peut – et ne devrait naturellement – pas avoir lieu.
Alvarez affrontera Jaime Munguia, l’homme que Ring Magazine n’a qu’une place devant Bazinyan, deux jours après que Bazinyan affronte Phinn. Une victoire sur Shakeel Phinn, à elle seule et aussi catégorique soit-elle, ne fera probablement pas de Bazinyan le choix n°1 dans l’esprit du public de boxe pour être le prochain adversaire de Canelo (en supposant qu’il vainque Munguia, bien sûr). Cela aiderait cependant à construire son palmarès et à le maintenir à l’avant de la ligne, une position qui pourrait également lui rapporter une chance au titre vacant si Alvarez choisissait d’abandonner un titre pour une raison quelconque…
Si un réseau devait aujourd’hui créer un Super Six uniquement basé sur les 168 livres les mieux notés du Ring, généralement perçu comme le classement le plus « fiable » de tous, Bazinyan en ferait partie. Une telle structure ne verra pas le jour, ce qui signifie que Bazinyan et ceux qui sont dans la même posture que lui – Christian Mbilli, David Morrell, Edgar Berlanga, Vladimir Shishkin et compagnie – devront peut-être simplement créer leur propre tournoi à la ronde, de manière informelle.
Parfois, pour éviter un embouteillage, il faut emprunter la voie express, mais pour ça, il faut être prêt à conduire plus dangereusement.