J’aurais pensé écrire ce texte plus tôt, mais disons que l’actualité boxe nous a tenus occupés :
le projet de loi déposé par Enrico Ciccone, le feuilleton Crawford–Mbilli–Sheeraz avec la WBC, et bien sûr l’intronisation de notre ami Russ Anber au Temple de la renommée… bref, un calendrier chargé, et un léger décalage dans mes textes — pardon.
Mais il fallait absolument revenir sur ces championnats nationaux seniors, surtout après mes discussions avec trois personnes qui façonnent aujourd’hui le programme canadien :
Vincent Auclair, entraîneur-chef;
Ariane Fortin, double championne du monde, olympienne et entraîneure ;
et Samir El Mais, entraîneur national et ancien membre de l’équipe nationale.
Leur vision combinée trace un portrait clair : le programme est en mouvement, et c’est un mouvement dans la bonne direction.
Un championnat qui confirme la progression du système canadien
Pour Vincent Auclair, ces championnats ont confirmé une tendance encourageante :
la profondeur augmente, les catégories se densifient, et les jeunes émergent plus vite qu’avant.
Il tenait également à souligner un point essentiel : la qualité humaine et l’engagement de
tout le milieu.

Photo: IG – Vincent Auclair, wyatt Sanford, Tammara Thibeault, Samir El-Mais
« Je veux féliciter tous les participants, tous les entraîneurs, et toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à ces championnats. Ce qu’on a vu cette semaine, c’est une communauté qui pousse dans la même direction. »
Un message qui reflète bien l’esprit du programme : rigueur, oui, mais aussi reconnaissance et cohésion.
Grâce au système de catégorisation, plusieurs boxeurs par division peuvent maintenant être développés en parallèle, chacun à un niveau de compétition adapté. C’est une façon plus intelligente d’amener les athlètes :
challenger sans détruire, progresser sans brûler des étapes.
L’analyse de Samir El Mais : précision technique et regard terrain
Samir El Mais confirme cette impression générale :
« C’était un championnat national très intéressant cette année. Beaucoup de nouveaux talents, autant chez les femmes que chez les hommes. »
Il a passé en revue les performances des champions 2025, mais surtout, il a mis l’accent sur ceux qui l’ont le plus impressionné.
Chez les femmes : les confirmations et les révélations
• Marie Al-Ahmadieh (57 kg) : Samir insiste sur sa vitesse de mains, son expérience internationale et sa capacité à rendre les combats « faciles » malgré le niveau. Finale gagnée à l’unanimité.
• Tamara Thibeault (75 kg) : dominante comme toujours.
• Nakhjiri, O’Callaghan, Bourdon, Monteglio : toutes nouvelles championnes dans leurs catégories. Samir souligne le vent de renouveau qui traverse l’équipe féminine.

Photo: IG – Marie Al-Ahmadieh
Chez les hommes : batailles épiques, de vraies progressions
• Max Tomines (55 kg) : pour Samir, c’est l’un des hommes du tournoi.
« Il a battu des adversaires très coriaces, dont l’ancien champion Karan Sembhi puis Alexis Turbide en finale. Résilience, ajustements en temps réel, intelligence de boxe… il a montré qu’il appartient au sommet de la catégorie. »
• Gabriel Aly-Labrie (65 kg) : boxeur « complet, capable d’ajuster et de rester calme dans une catégorie chargée ». Perd le premier round contre Yacine Benaoudia, revient fort pour aller chercher le titre.
• Vincent Santoriello (70 kg) : ancien champion U23, maintenant champion élite. Un vrai pas en avant.
• Ofori (80 kg) : Samir note qu’il a stoppé deux de ses trois adversaires et remporté un combat très serré contre Umar Carcamo en demi-finale, soulignant la dureté et la durabilité d’Umar.
• Horcoff (+90 kg) : véritable attraction du tournoi.
« Même compté, il revenait au combat et attirait tout le monde dans une guerre. Toute la salle debout. ».
Samir croit néanmoins qu’il aurait avantage à descendre à 90 kg… mais sa force mentale et son style ont marqué le tournoi.
Le regard d’Ariane Fortin : styles, expertise… et reconnaissance du travail bien fait
Le point de vue d’Ariane Fortin complète parfaitement celui de Samir El Mais, avec une emphase sur les styles, l’évolution technique et le travail de fond.

Photo: IG – Ariane Fortin
Ofori vs Carcamo : l’essence même du “styles make fights”
Pour elle, le combat le plus excitant à suivre était la demi-finale des 80 kg entre Josh Ofori et Umar Carcamo :
« C’est exactement pour des combats comme celui-là que l’expression styles make fights existe! »
Elle décrit un Ofori explosif, brut, presque “Lemieuxesque” dans sa puissance, opposé à un Carcamo plus petit pour la catégorie mais brillant, doté d’une force mentale hors du commun et dangereux par volume.
Un affrontement de philosophies totalement différentes et par le fait même l’un des duels les plus captivants du tournoi.
Danielle Bouchard : une architecte du développement
Ariane a tenu à souligner un élément que seuls les gens dans le système remarquent vraiment :
le travail de Danielle Bouchard, qui a formé deux nouvelles championnes nationales cette année, Rachel Bourdon (65 kg) et Maeva Monteglio (70 kg).
« Danielle apporte énormément au programme. Voir deux de ses athlètes monter sur la plus haute marche cette année, c’est significatif. »
Une reconnaissance essentielle, et méritée, pour l’une des bâtisseuses les plus constantes du pays.

Photo: Kim Clavel et Danielle Bouchard
Le retour de Tammara Thibeault : une figure inspirante qui ajuste et s’adapte
Ariane s’est également réjouie du retour sur le circuit de Tammara Thibeault :
« Tammara, c’est un exemple pour tellement d’amateurs. »
Elle rappelle qu’en tant que professionnelle, Thibeault a dû modifier son rythme, adapter son style et naviguer les différences du format olympique. Malgré cela, elle stoppe son adversaire en demi-finale puis vainc Viktoria Penney, 4e au monde, en finale.
Un retour convaincant… et surtout inspirant.
Potentiel brut, jeunesse… et patience
Enfin, Ariane voit dans cette génération un potentiel immense… mais encore en maturation :
« On a des athlètes très jeunes. Encore “green” internationalement, mais c’est très prometteur pour les prochains cycles olympiques».
Un regard qui rejoint parfaitement les analyses d’Auclair et d’El Mais :
le talent est là, mais il doit être développé intelligemment.

Photo: IG – Tammara Thibeault
Trois visions, un même constat : le Canada avance
En combinant les perspectives d’Auclair, Fortin et El Mais, un portrait très clair émerge :
• Le programme gagne en structure.
• Les catégories gagnent en profondeur.
• Les jeunes gagnent en expérience.
• Et l’équipe nationale mise maintenant
sur le développement intelligent plutôt que la simple sélection annuelle.
Ce n’est plus seulement : « Gagne ton titre national et on verra. »
C’est devenu : « Où en es-tu dans ton développement, et comment t’amener au niveau supérieur? »
Sous la direction de Vincent Auclair, appuyé par des entraîneurs comme Ariane Fortin et Samir El Mais, le Canada avance vers une philosophie moderne :
plus de structure, plus de précision, plus de profondeur — et surtout, plus de boxeurs capables de livrer sur la scène internationale.
Bref aperçu de nos champions :
Féminin
48 kg – Nyousha Nakhjiri : retour gagnant après un passage chez les pros; profondeur instantanée dans une catégorie historiquement mince.
51 kg – Mckenzie Wright : la vétérane panaméricaine confirme son statut.
54 kg – Scarlett Delgado : à un combat de la qualification au dernier cycle; déjà tournée vers 2028.
57 kg – Marie Al Ahmadieh : talent brut, dominance constante, énorme potentiel.
60 kg – Shauna O’Callaghan : excellente à distance; Alessia Mansuetto était absente (blessure), mais les deux seront développées en parallèle.
65 kg – Rachel Bourdon : progression remarquée; a performé au bon moment.
70 kg – Maeva Monteglio : descente de poids réussie, utilisation exemplaire de sa portée.
75 kg – Tammara Thibeault : confirme son règne; retour progressif vers les objectifs olympiques. Viktoria Penney, finaliste, continuera aussi de voyager grâce à ses résultats internationaux.
Masculin
50 kg – Isaiah Rock : précision, contre-attaque, jeunesse prometteuse.
55 kg – Max Tomines : nouveau poids, nouveau souffle; Turbide aussi à surveiller.
60 kg – Fazayl Rakhimov : pression et volume; Keoma Ali Al Ahmadieh demeure également sur l’équipe après son Top 8 mondial.
65 kg – Gabriel Aly : ascension confirmée; finale spectaculaire contre Yacine Benaoudia.
70 kg – Vincent Santoriello : progression majeure; retour attendu de Kuwardeep Manu après blessure.
75 kg – Parminder Pannu : champion continental junior 2023; mouvement de pieds remarquable.
80 kg – Josh Ofori : montée de catégorie, mains rapides; la finale contre Umar Carcamo est un point tournant.
85 kg – Emmanuel Envyi : athlétique, encore en développement.
90 kg – Bryan Colwell : ajoute un autre championnat à sa collection.
90+ kg – Brayden Horcoff : pression constante, surprises à répétition.