Photo : Vincent Ethier – Après un rendez-vous raté au Casino de Montréal en juin dernier ; prise deux pour le duel entre la Québécoise Leïla Beaudoin (11-1, 1 K.-O.) et la Bolivienne Lizbeth Crespo (15-7, 4 K.-O.).
Son visa mis en ordre, la double aspirante au titre mondial Lizbeth Crespo pourra enfin affronter Leïla Beaudoin, le 17 août prochain. Dénouement heureux, car pour son combat le plus important à ce jour, Beaudoin aura l’entièreté de son fan-club derrière elle, au Centre Vidéotron de Québec.
«Je pense qu’on peut parler de mon meilleur test en carrière, mais j’ai aussi l’impression que c’est un combat qui va mettre ma boxe en valeur», analyse la fierté de Témiscouata.
«Crespo a une belle technique. Ce sera plus une partie d’échecs qu’une guerre et moi, c’est ce que je préfère ; faire des feintes et tendre des pièges», vient-elle poursuivre.
L’heure approche
La résidente de Lévis est déjà bien classée chez les super-plumes ; 11e WBC et 8e IBF. Ce n’est pas une certitude – ni un secret – mais l’objectif serait d’avoir un titre à l’enjeu pour Beaudoin-Crespo. Ce titre, il amènerait la gagnante à deux jets de pierre d’une chance de se battre pour la ceinture ultime.
Actuellement, l’Américaine Alycia Baumgardner (15-1, 7 K.-O.) possède les 4 titres des 130 livres (5 avec l’IBO). Beaudoin pourrait-elle l’affronter? Pourrait-elle se battre pour un titre – d’ici là devenu – vacant? Rien n’est à exclure.
«C’est clair que si le téléphone sonne, on va ne dire non à personne», confie son entraîneur, Samuel Décarie-Drolet.
«Je crois que je suis rendu là dans ma carrière. C’est mon moment. Je me dédie totalement à la boxe et je mets tous mes œufs dans ce panier-là pour que ça fonctionne», revient Beaudoin.
Punching Grey’s Anatomy
Pendant quelques années, jusqu’à tout récemment, l’athlète native de Rivière-du-Loup avait des œufs dans d’autres paniers.
Mais en mai dernier, elle a obtenu son diplôme en technique en soins infirmiers au Cégep de Lévis. Ça lui sera fort utile plus tard, car pour l’heure, elle a une seconde quête à accomplir.
Évidemment, cette quête mondiale était déjà en marche. Même que de savoir que Leïla Beaudoin est entrée dans le top 10 mondial quelque part entre deux travaux de session rend le tout encore plus impressionnant.
En plus, rien de tout cela n’était prévu.
«Quand j’avais 10-11 ans, je regardais toujours Grey’s Anatomy avec ma mère. Et pendant la pandémie, j’ai réécouté la série au complet et j’ai réalisé qu’au fond, je m’ennuyais vraiment des soins. Alors, je me suis réinscrit à l’école, comme ça, sur un coup de tête», raconte l’athlète de 28 ans.
Un retour réussi
Si elle dit: «je m’ennuyais vraiment des soins», c’est que pour Leïla Beaudoin, des études dans ce domaine, c’est un peu comme organiser un combat contre Lizbeth Crespo. Apparemment, ça fonctionne toujours du 2e coup.
«J’ai toujours aimé ça. Mon père est dans la relation d’aide, mes parents sont beaucoup dans le ‘donner au suivant’, donc je pense que c’est dans mes valeurs.»
«En 2013, à Rivière-du-Loup, ça faisait juste trop avec la boxe et mes professeurs étaient aussi vraiment moins conciliants. J’avais l’impression qu’il me mettait presque des bâtons dans les roues», y repense-t-elle, ayant elle-même fortement évolué depuis.
«Étant plus mature, cette fois, la grosse différence est que j’écoutais en classe», lance-t-elle en riant. «J’ai un TDA qui n’ai pas diagnostiqué, mais c’est sûr que j’en ai un, alors en me connaissant mieux, j’avais des techniques pour mieux étudier et mieux écouter sans ne pas partir dans mon esprit en fixant la porte au lieu du prof’.»
Il faut le vivre pour en vivre
Avec maintenant tout son temps à offrir à son sport, tout n’est pas parfait pour autant.
Dans les derniers mois, Leïla Beaudoin a annulé une partie de ses vacances, sa présence au mariage de sa meilleure amie, et bien plus. Tout ça, c’était pour un combat annulé et ensuite reporté au 17 août.
Pas que les combats, ces sacrifices sont également – et surtout – afin de s’entraîner pour ceux-ci. Cette préparation se fait loin de Lévis, à Montréal, où en dehors du gymnase, elle est seule avec Rufus, un chien très chic de race samoyède, notamment adopté pour qu’elle soit un peu moins seule, dans la métropole.
«La boxe est le sport le plus solitaire au monde», a un jour dit Frank Bruno.
Par conséquent, il serait logique de se demander pourquoi une fille intelligente et diplômée s’impose-t-elle tout ça? Voici la réponse.
«Ce n’est pas une vie facile, mais ça vaut de l’or ce qu’on vit dans le ring. Le combat, les émotions, la foule. C’est indescriptible et ça ne se retrouve pas ailleurs.»
Être sereine dans le chaos, ça forge les meilleurs athlètes.
Lorsque le temps sera venu, ça fait aussi de fortes infirmières.