Le projet de loi présenté en 2025 par M. Enrico Ciccone vise à renforcer la sécurité dans les sports de combat au Québec. Sur le fond, l’intention est irréprochable: mieux protéger les athlètes. Et permettez-moi de le dire clairement d’entrée de jeu: je suis entièrement pour l’avancement du sport et jamais je ne m’opposerai à des améliorations visant à préserver la santé des athlètes. La sécurité doit toujours être une priorité, et toute mesure qui peut réellement protéger les combattants mérite d’être considérée.
Mais une loi n’est pas évaluée sur ses intentions. Elle est évaluée sur sa faisabilité, sa cohérence et ses impacts concrets. Et lorsqu’une réforme est construite sans ceux qui vivent le sport au quotidien, elle risque de devenir non seulement inefficace, mais aussi dangereuse pour l’avenir du milieu qu’elle prétend protéger.
Le cœur du projet repose sur l’ajout d’examens médicaux plus complets, dont une IRM cérébrale obligatoire. Sur papier, l’idée semble difficile à contester. Mais la boxe n’est pas un concept abstrait: c’est un sport avec ses contraintes logistiques, financières, médicales et humaines. Une IRM est coûteuse, difficile à obtenir rapidement, et certains diront même scientifiquement inutile à répéter régulièrement chez un athlète sans symptôme. Imposer ces tests à répétition n’est pas de la prévention; c’est de la bureaucratie. Souvenons nous que l’athlète a des formulaires à remplir sur sa santé physique, des tests physiques à passer avec un médecin et qu’il sera réévaluer avant la pesée.

Photo: PLQ – Enrico Ciccone
Là où le projet devient véritablement déconnecté du terrain, c’est dans l’obligation d’exiger que tous ces examens soient effectués au Québec, dans les 30 jours précédant un combat. Concrètement, cela obligerait les athlètes étrangers à venir ici un mois avant l’événement, puis à repartir et revenir une seconde fois. Aucun promoteur, même les plus solides financièrement, ne peut absorber deux voyages internationaux pour un seul combattant, en plus d’un mois de dépenses logistiques. Ce serait la fin des adversaires internationaux dans la province, donc le début de la fin de l’évolution de la boxe.
L’autre possibilité serait de faire venir le boxeur quelques jours avant le gala. Mais si un examen échoue à la dernière minute pour une raison X ou Y, le promoteur perd des milliers de dollars, le gala perd une attraction majeure et la crédibilité du sport en prend un coup. Nous avons déjà vu de faux positifs sur des tests sanguins. Des anomalies sur un scan se révélant finalement être normal. Des médecins qui font passer des dizaines de tests en extra car ils ne sont pas habitué de faire face a un athlète ayant un cœur battant à 40 pulsations par minute.
À cela s’ajoute la règle voulant que les examens médicaux deviennent caducs après 30 jours. Un combat repoussé de deux semaines? Il faut tout recommencer. Un imprévu administratif ? Tout recommencer. Cette rigidité excessive n’ajoute absolument rien à la sécurité réelle des athlètes, mais elle ajoute énormément à la lourdeur administrative, aux coûts et aux risques d’annulation.

Photo: Canadiens de Montréal – Enrico Ciccone
Ce manque de réalisme devient encore plus flagrant lorsqu’on compare la boxe à d’autres sports où les coups à la tête sont monnaie courante. Dans la LNH et le hockey semi-professionnel, les bagarres à poings nus persistent encore aujourd’hui. Aucun joueur n’a à passer de scan, d’IRM ou d’examen spécialisé avant de jeter les gants. Et M. Ciccone le sait très bien: lui-même, reconnu pour son jeu robuste et ses combats sur la glace, n’a jamais eu à franchir une clinique médicale avant de se battre à mains nues. Pourtant, c’est à la boxe, un sport infiniment plus encadré que le hockey (quant aux batailles), qu’on veut imposer la bureaucratie la plus lourde.
Pendant ce temps, la Régie des alcools, des courses et des jeux poursuit déjà un travail sérieux, lent mais constant, pour renforcer la sécurité: consultations avec le milieu, ajustements progressifs, protocoles améliorés. Ce n’est pas parfait, en fait, aucune institution ne l’est… Mais les efforts sont authentiques et alignés sur la réalité. Les avancées existent, et elles se font de manière raisonnable, sans mettre en péril l’existence même du sport.

Photo: Vincent Ethier – Michael Griffin
Voilà pourquoi une réforme d’une telle ampleur doit être construite avec les promoteurs, les entraîneurs, les officiels, les médecins spécialisés et bien sûr les boxeurs. Ce sont eux qui comprennent ce qui fonctionne, ce qui protège réellement les athlètes et ce qui, au contraire, risque de saboter l’écosystème. Une loi imposée d’en haut, sans collaboration, crée des problèmes plutôt qu’elle n’en résout.
La sécurité, oui. L’amélioration, oui. Mais la cohérence, le réalisme et la consultation d’abord. Le projet de loi de M. Ciccone, dans sa forme actuelle, manque cette compréhension essentielle. La boxe québécoise mérite mieux qu’un texte bien intentionné mais déconnecté. Elle mérite une réforme intelligente, ancrée dans la réalité et construite avec ceux qui ont le sport à cœur, exactement comme tous ceux qui, jour après jour, travaillent pour en améliorer la sécurité.