Photo : Vincent Ethier – C’était le secret le moins bien gardé au pays, mais Butler-Rolls n’était pas qu’un duel Québec-Ontario, c’était deux hommes qui jouaient leur carrière, au Casino de Montréal, là où Steven Butler n’était pas venu pour jouer.
Steven Butler est monté dans le ring sous l’air de Many Man, de 50 Cent, l’histoire d’un homme qu’on a tenté d’abattre. Telle une prophétie, le 7 mars, Steve Rolls a tenté, Butler a persisté et Steve Rolls est tombé, après seulement 65 secondes du premier round.
« Bang Bang is back, baby! », s’est dit le Montréalais d’un ton triomphant.
En novembre dernier aussi, il était de retour. Sa victoire au 10e round face à Ivan Alvarez, avait toutefois soulevé plus de questions qu’elle n’en avait répondu. Là, c’était donc le vrai retour : aucune interrogation, qu’une pure exclamation.
Ça, et beaucoup d’émotions.
Il y a cette vieille expression qui dit : « tu peux aimer la boxe, mais la boxe ne va pas t’aimer en retour ». C’est vrai une fois sur deux. Jeudi soir, la boxe aimait Steven Butler.
Vieille cassette, nouveau film
On connaît cette histoire-là. Steven Butler (34-4-1, 28 K.-O.) est déjà tombé, s’est déjà relevé et a déjà promis de changer. « Je knockerais le Steven d’il y a trois », m’avait-il dit en septembre 2022. Huit mois plus tard, il tombait tout de même plus durement que jamais, des mains de Janibek Alimkhanuly.
Pour se relever, déjà vu, Butler eut un nouvel entraîneur. La différence est que cette fois, le Montréalais a fait des changements, mais s’est promis de ne plus changer. C’est comme ça que son nouvel homme de coin, ‘Iceman’ John Scully, lui a vendu le projet de venir s’entraîner avec lui, loin des siens. Il lui promit d’avant tout travailler ses forces, celles qui lui permettraient d’aller jusqu’au bout du rêve.
Jusque-là, tout cela n’était encore que des mots. Jeudi soir, ç’a changé. Steve Rolls (22-4, 12 K.-O.) n’est pas tombé sous les mots…
Une étape et un nom
D’ailleurs, Rolls n’était jamais tombé de la sorte auparavant. Butler avait dit que le Torontois n’étais qu’une étape vers l’objectif ultime, mais après coup, il ne cache pas qu’il s’agit — jusqu’à maintenant — de « l’étape » la plus importante de sa carrière.
« Pour le timing, la façon, le feeling, c’est ma meilleure victoire. Steve Rolls c’est un nom et je ne veux pas entendre personne dire qu’il était vieux, qu’il était ci, qu’il était ça, parce que je vais juste l’envoyer chier, lance-t-il en souriant. Le gars a bien fait 10 rounds avec ‘Ammo’ Williams il y a six mois, on sait tous que Rolls était correct. »
Oui, Rolls a fait 10 rounds avec Williams, 10 autres – très serrés – avec Berlanga et 4 avec l’illustre Gennady Golovkin. Non, personne ne dira que Butler est meilleur que « GGG », parce qu’il a arrêté l’Ontarien 4 fois plus rapidement. Mais avouez-le, c’était franchement impressionnant, non?
On en reparlera plus tard
Avec 28 K.-O. à l’appui, Steven Butler aura toujours la capacité de fermer les lumières en un seul coup de poing. En 28 ans de vécu, il a aussi toujours prouvé qu’il n’avait peur de personne. Murata et Janibek ont toutefois démontré que ces deux attributs n’étaient pas toujours suffisants pour triompher. Alors, même après sa plus grande victoire en carrière, pas question de brûler les étapes.
« Même avec ce combat-là, on aurait pu investir dans des titres et reviser le top 15. On en a parlé avec Camille [Estephan], croyez-moi, ce n’était pas une question d’argent. C’était juste d’y aller une étape à la fois », commente le jeune vétéran.
Alors, à la question ‘what’s next?’ Estephan vous dira avoir Patrice Volny dans sa mire. Butler, lui, après deux mois en Nouvelle-Angleterre, vous parlera du temps en famille qui l’attend.
« Ma femme manque et mes enfants pleurent à l’école parce que papa n’est pas à la maison. C’est des sacrifices pour tout le monde que je fais, alors en ce moment, je veux juste passer du temps avec eux. »
Triomphe et agonie
Steven Butler s’est dit motivé de voir les preneurs aux livres, et même certains de ces confrères québécois, se ranger derrière l’Ontarien à l’approche du combat.
Punching Grace avait d’ailleurs élaboré un dossier de prédictions confirmant cette tendance. Dans les commentaires, plusieurs voix s’était jointe au mouvement. C’est donc dire que beaucoup de gens eurent tout faux.
« 😘 », c’est ce qu’a répondu le Montréalais, après sa victoire, et ce, sous presque chaque commentaire prédisant sa perte.
La victoire a bon goût. Tragiquement, tous ne peuvent y goûter.
Avant le combat, le protégé de Lou DiBella avait été le premier à parler « décisions difficiles à prendre » pour la suite de la carrière du perdant de Butler-Rolls. Le K.-O. fut brutal, mais le réveil s’annonce encore pire. Cette fois c’est vrai, jeudi soir, la boxe n’aimait pas Steve Rolls.